Cet article date de plus de cinq ans.

Blocage du 17 novembre : "Le gouvernement paye une politique fiscale" qui "apparaît très injuste"

Alors que plusieurs dizaines de milliers de Français ont l'intention de bloquer les routes pour dénoncer la hausse du prix des carburants, Frédéric Sawicki, professeur de science politique à l’université Paris I-Panthéon Sorbonne, a pointé la faiblesse du mouvement "qui n'est pas porté par une organisation et par un milieu professionnel"

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Frédéric Sawicki, à l'institut Pasteur de Lille, le 5 mars 2004. (FRANCOIS LO PRESTI / AFP)

À la veille de la mobilisation des "gilets jaunes", Frédéric Sawicki, professeur de science politique à l’université Paris I-Panthéon Sorbonne, a affirmé vendredi 16 novembre sur franceinfo que le gouvernement se méfiait d'un mouvement "complètement inédit" et "qu'il payait une politique fiscale qui apparait aux yeux de beaucoup de Français très injuste". Plusieurs dizaines de milliers de Français ont l'intention de bloquer les routes pour dénoncer la hausse du prix des carburants. Frédéric Sawicki a pointé la faiblesse du mouvement "qui n'est pas porté par une organisation et par un milieu professionnel" à l'instar des "bonnets rouges qui avaient fait plier en 2013 le gouvernement sous le quinquennat Hollande qui voulait imposer l'écotaxe.

franceinfo : L'exécutif a-t-il des raisons de se méfier de cette mobilisation ?

Frédéric Sawicki : Il se méfie parce que c'est quelque chose de complètement inédit. Il y a 800 000 personnes qui ont signé une pétition sur internet. Il y a à peu près 200 000 personnes qui ont manifesté leur intention de bloquer le pays samedi. Évidemment, l'exécutif s'inquiète et il a d'ailleurs apporté un certain nombre de réponses, y compris un certain nombre de menaces pour essayer de contenir la contestation.

Ce mouvement est-il révélateur d'une forme de ras-le-bol ?

Le ras-le-bol existe et il n'est pas forcément neuf. Par le passé, les sondages ont montré qu'à chaque augmentation un peu forte des taxes ou du prix de l'essence il y avait évidemment une grogne. Ce qui est nouveau c'est d'abord le fait que les réseaux sociaux permettent aujourd'hui à des gens isolés qui ne connaissent pas de pouvoir monter des actions rapides. Et puis, autour de ces questions des taxes se posent aussi la question de la justice face à l'impôt. Le gouvernement paye une politique fiscale qui apparait aux yeux de beaucoup de Français très injuste. Ça a sans doute contribué à alimenter la colère. On pense aussi bien sûr à l'augmentation de la CSG pour les retraités. Derrière l'essence, derrière les taxes, il y aussi cette question de la justice fiscale.

La hausse des prix du carburant est-elle un agrégateur de colères ?

L'essence, le diesel touche tout le monde. C'est immédiatement visible. On sait aussi que c'est une taxe qui est décidée par le gouvernement, ce n'est pas quelque chose qui est décidé par Bruxelles ou par les marchés financiers, ce n'est pas quelque chose qui dépend des entreprises comme l'augmentation du prix du gaz. C'est un symbole fort et cela touche directement les Français. On a l'impression qu'on peut agir sur les élus, sur le gouvernement pour obtenir une réduction de cette taxe.

Faites-vous un parallèle avec le mouvement des "bonnets rouges" ou même avec le poujadisme des années 1950 ?

Il y a beaucoup plus de points de différence que de convergence. Le mouvement des "bonnets rouges" partait des organisations patronales, des transporteurs relayés aussi par le monde agricole. Tout cela dans une région qui a une forte identité régionale et qui avait l'habitude de se mobiliser contre l'État. Là, on a quelque chose de plus national et diffus qui n'est pas portée par une organisation et par un milieu professionnel. De même pour les poujadistes, c'était les petits commerçants-artisans qui s'étaient, à l'origine, mobilisés très fortement. On a quelque chose de plus large qui fait sans doute aussi la faiblesse, non pas sur le moment on verra demain, mais sur le plus long terme. Tout cela n'est pas adossé sur une organisation durable, pérenne qui est capable de négocier avec le gouvernement et d'inscrire dans la durée cette action.

Le mouvement peut-il disparaître aussi vite qu'il est apparu ?

Oui je pense. Il peut disparaitre de plusieurs façons. D'abord parce qu'un certain nombre de propositions ont été faites par le gouvernement et surtout, si ce mouvement ne se dote pas d'une organisation pérenne de dirigeants qui sont légitimes pour porter sa parole, pour négocier, pour revendiquer de manière plus positive, cela peut disparaitre et réapparaitre dans quelques mois ou dans quelques années autour d'un autre point de focalisation et de contestation.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.