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"Gilets jaunes" : "Je ramasse le truc, ma main explose" raconte Antoine, amputé après la manifestation à Bordeaux

A Bordeaux, un jeune homme a eu la main arrachée par une grenade qu'il a ramassée et qui lui a explosé dans la main droite lors d’une manifestation de "gilets jaunes" samedi.

Article rédigé par franceinfo - Avec France Inter et Thibault Lefèvre
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Antoine, 26 ans, a été amputé après qu'une grenade lui a explosé dans la main au cours de la manifestation des gilets jaunes de Bordeaux samedi 8 décembre 2018. (THIBAULT LEFÈVRE / FRANCE-INTER)

"Je regarde ma main et à la place il y a un moignon avec des lambeaux de chair qui pendent et un morceau d'os déformé", raconte Antoine au micro de France Inter lundi 10 décembre, après avoir eu la main droite arrachée par l’explosion d’une grenade qu’il a ramassée lors de la mobilisation des "gilets jaunes" à Bordeaux samedi. Ce militant de gauche, un Bayonnais de 26 ans, a été hospitalisé et amputé. Il n’a plus de main mais un moignon bandé et le haut des jambes criblés de morceaux de plastique et de métal qui pourraient avoir été causés par une grenade de type GLI-F4 (une grenade lacrymogène assourdissante qui contient une charge de TNT).

"On lance des œufs, on se fait gazer"

"Au début la manif se passait bien", raconte Antoine à France Inter, mais vers la place de la mairie, "les échauffourées commencent. Il y a des fumigènes, on lance des œufs, on se fait gazer. Moi, à un moment je recule parce que les charges ont commencé. Avec les gars, on se dit qu'on va se poser dans un bar à côté, se reposer les yeux. J'ai pris des bières assez fortes, mais je n'étais pas très alcoolisé", poursuit le jeune homme. Et puis, "on a décidé d’y retourner".

Selon des journalistes de l'AFP qui ont assisté à la scène, les projectiles lancés contre les forces de l'ordre n'étaient pas uniquement des "œufs" et  de"cailloux". Ils ont ainsi pu voir durant ces affrontements que quelque 200 manifestants venus en découdre lançaient des pavés déterrés dans une petite rue adjacente, des fusées d'artifice, des fumigènes, de la peinture, des aérosols, des balles de plomb, des cartouches de fusil, et aussi des bombes artisanales d'acide.

Antoine raconte : "Il y avait un feu au niveau du tram 'hôtel de ville', j'ai essayé de voir ce qui se passait et là un truc roule à mes pieds. Je n'ai pas réfléchi, je ne savais pas ce que c'était, je décide de le prendre à la main et de le relancer".

Le truc explose, ma main explose. Je ne m'en rends pas compte tout de suite. Je pense que quelque chose m'a tapé et que la main est engourdie.

Antoine

à France Inter

"Je cours vers les manifestants pour qu'ils s'occupent de ça mais je vois les regards horrifiés, tout le monde me dit qu'il faut aller voir les pompiers, faut aller à l'hôpital. Là, je regarde ma main et à la place il y a un moignon avec des lambeaux de chair qui pendent et un morceau d'os déformé. J'ai encore l'image dans ma tête. À partir de là, je hurle. Les manifestants ont été géniaux, ils m'ont emmené vers les pompiers le plus vite possible", ajoute le militant de gauche.

"Dans le camion on allait très vite, on me tenait la tête pour que je ne voie pas ma main, j'ai eu qu'un vague aperçu", témoigne Antoine alors qu'une vidéo du moment où sa main est arrachée tourne sur les réseaux sociaux.

Porter plainte pour ne plus que ça se reproduise

Ce militant assure qu'il "n'en veut pas forcément aux flics" qui ont reçu des ordres, mais "c'est tout un système, c'est le gouvernement qui envoie des grenades sur des gamins qui lancent des œufs". Il annonce qu'il va porter plainte, "parce que pour pouvoir passer à autre chose, j'ai besoin d'un minimum de justice et savoir quelle est l'arme qui m'a fait ça et que vont-ils faire pour éviter que d'autres subissent ça."

Antoine fait partie des 32 manifestants blessés lors du rassemblement bordelais. C’était la première fois qu’il retournait manifester depuis le mouvement des Indignés il y a huit ans. (THIBAULT LEFÈVRE / FRANCE-INTER)

"C'est extraordinaire, je ne suis même pas en colère, je suis effaré, halluciné par la violence avec laquelle ils répondent à des œufs et des cailloux en face en envoyant des explosifs. Un caillou ça peut blesser si ça atterrit mal, un œuf ça peut aveugler, mais ça c'est une bombe", martèle le jeune homme. "Je lançais des œufs. Comment j'aurais pu imaginer qu'on me lancerait des grenades", insiste-t-il.

"C'est David contre Goliath"

"Ils ne peuvent pas nous envoyer ça dans la gueule, nous on n'est pas armés, au mieux les gars ils ont des masques à gaz ou des lunettes de plongée, ils se débrouillent comme ils peuvent pour s'armer contre des gens en face qui ont des gilets [pare-balles], des casques et des matraques, des boucliers et des lance-grenades. Je savais qu'ils avaient des flash-ball et des lacrymos mais ça je n'imaginais même pas qu'ils avaient ça. C'est horrible", témoigne le jeune blessé.

Au moins six autres victimes, blessées ou mutilées par des grenades pendant les premières manifestations des "gilets jaunes", souhaitent comme Antoine porter plainte. Lors du quatrième acte de mobilisation des "gilets jaunes" samedi, 264 personnes ont été blessées en France dont 39 policiers. La semaine précédente, 229 personnes ont été blessées dont 28 policiers.

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