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Dans l'Yonne, la guerre est déclarée entre un journal local et une députée-maire

Le rédacteur en chef de "L'Indépendant de l'Yonne" dénonce l'attitude de la députée-maire de Sens, Marie-Louise Fort, envers son journal. Francetv info raconte l'histoire de cette bisbille.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Photomontage de la une de "L'Indépendant de l'Yonne", daté du 27 janvier 2015, et de la députée-maire de Sens, Marie-Louise Fort. (L'INDEPENDANT DE L'YONNE / IBO / SIPA / FRANCETV INFO)

"Ça suffit !!!" En gros caractères rouges, le message s'affiche à la une de L'Indépendant de l'Yonne, mardi 27 janvier. Sans la nommer en première page, le journal local s'adresse à "madame le maire", "madame la présidente de la Communauté de communes", "madame la députée".

Le bihebdomadaire, "tiré à 3 500 exemplaires", vise Marie-Louise Fort, maire de Sens et élue de la troisième circonscription de l'Yonne à l'Assemblée nationale. Mais pourquoi tant de colère ? Francetv info vous raconte comment est née cette bataille entre l'élue et le journal.

Une plainte pour "entrave à la liberté de la presse"

"Le journal connaît quelques problèmes relationnels avec le député-maire de la ville", euphémise Alain Chaboteau, rédacteur en chef de L'Indépendant de l'Yonne, interrogé par francetv info. "Cette une est liée à une conférence de presse, organisée vendredi 23 janvier en mairie de Sens, raconte-t-il. Nous n'étions pas invités, mais notre journaliste s'est pointé quand même et s'est fait virer par la directrice de la communication de la mairie."

Colère d'Alain Chaboteau, qui explique avoir porté plainte contre cette dernière pour "entrave à la liberté de la presse et à l'exercice de la profession de journaliste". Plainte classée sans suite, annonce jeudi soir la mairie de Sens. "C'est lâche" de s'en prendre à cette femme, réagit Marie-Louise Fort. "Je pense que c'est pour me nuire", explique-t-elle à France 3 Bourgogne, auprès de qui elle développe une toute autre version des faits.

"Je ne connais pas la cause de cette grande agressivité"

Aucune "conférence de presse" n'a été organisée, corrige l'élue : "Il me semble être libre de parler avec qui je veux (...), j'ai convoqué un certain nombre de journalistes." "Pas L'Indépendant, ajoute Marie-Louise Fort. Les deux dernières fois où il avait été convoqué (...), il a annoncé à mon premier adjoint qu'il ne fallait plus les inviter parce qu'il ne viendrait plus." Le journaliste qui s'est présenté cette fois-ci a donc été prié de rebrousser chemin.

La députée-maire évoque un précédent épisode, avec toujours le même journaliste, lors de sa dernière cérémonie de voeux. Si elle dit "apprécier par ailleurs" l'homme, Marie-Louise Fort a semble-t-il moins goûté le compte-rendu qui a été fait de l'événement dans les colonnes de L'Indépendant : "Il a fait [l'article] qu'il voulait, les photos qu'il voulait, où je [n'apparaissais] pas, sans donner mon nom."

Marie-Louise Fort dit ne pas connaître "la cause de cette grande agressivité", assure n'avoir "aucun souci" à rencontrer L'Indépendant de l'Yonne. "Je suis [une élue] de terrain, affirme la députée-maire. Les journalistes ont toute latitude pour me voir, pour me rencontrer. Je n'ai jamais refusé un rendez-vous à qui que ce soit."

"Résistance à Fort"

A en croire Alain Chaboteau, l'inimitié ne serait pourtant pas récente. "Je suis un vilain petit canard pour elle", assure Alain Chaboteau. Pour expliquer ces tensions, le rédacteur en chef de L'Indépendant de l'Yonne met en avant ses articles consacrés aux relations "difficiles" de Marie-Louise Fort avec un autre élu UMP du département, Gilles Pirman, également évoquées par le quotidien L'Yonne républicaine.

A la fin décembre, Alain Chaboteau avait aussi publié "une interview imaginaire du père Noël", dans laquelle il dénonçait "le comportement du maire à l'égard de ce journal". Sur sa une, il affiche désormais, en référence au mouvement "Je suis Charlie", le sigle "Je suis R.A.F.", en blanc sur fond noir. "R.A.F." pour "Résistance à Fort". Car, selon lui, la députée-maire veut "la peau de L'Indépendant de l'Yonne. Elle nous a retiré les annonces légales et judiciaires de la ville, alors que le journal est en difficultés financières."

"Je ne vais pas m'autoflageller"

"L'Indépendant voulait de l'argent, c'est là le début de l'histoire, juge Marie-Louise Fort, interrogée par francetv info. Ils estimaient que nous ne placions pas assez d'annonces légales dans le journal : pourtant, depuis que je suis élue, la municipalité a dépensé 19 000 euros." Décision a été prise de privilégier désormais internet pour diffuser ces annonces. "Nous avons un budget contraint, justifie la députée-maire. Et je ne vais pas m'autoflageller. La presse locale, ce qu'on lui demande, c'est aussi d'être un peu partenaire. Il ne s'agit pas de ne pas être critiquée, mais ce journal ne reflète plus la vie locale, c'est devenu un tract politique."

Pour l'heure, Marie-Louise Fort a choisi de ne pas demander de droit de réponse à L'Indépendant de l'Yonne, dénonçant des propos "excessifs" et donc "insignifiants". "Ils veulent ma peau, c'est très bien, explique-t-elle. Mais j'ai été élue en mars, donc ils vont devoir attendre au moins 2020. Je pense qu'ils vont s'essouffler avant moi." De son côté, le journal ne compte pas s'arrêter de si tôt. Il récidive même, vendredi, en affichant une caricature de Marie-Louise Fort en une.

La une de "L'Indépendant de l'Yonne", datée du 30 janvier 2015. (L'INDEPENDANT DE L'YONNE / FRANCETV INFO)

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