Lutte antitabac : trois enseignements tirés par la Cour des comptes
Les magistrats de la rue Cambon estiment, dans leur rapport annuel rendu mercredi 10 février, que la politique antitabac reste "à consolider".
"Le risque est patent que les résultats obtenus ne soient ni rapides ni durables." Avec son style ampoulé, la Cour des comptes critique, dans son rapport annuel, publié mercredi 10 février et que francetv info s'est procuré, la politique de lutte contre le tabagisme. Elle préconise de la "consolider". Avec le temps, "la menace pour la santé publique n'a pas diminué et a même tendance à augmenter", soulignent les magistrats.
Voici trois graphiques pour comprendre leurs conclusions.
1Le nombre de fumeurs est presque revenu à son niveau de l'année 2000
Le constat est accablant : le nombre de fumeurs en France, que ce soit des hommes ou des femmes, n'a pas vraiment évolué depuis 2000. Les premières données du Baromètre santé, enquête très détaillée de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes), montrent que les résultats en matière de lutte contre le tabagisme sont toujours décevants, note la Cour des comptes.
La France compte 13,4 millions de fumeurs quotidiens, soit 28% des 15 à 75 ans, selon des chiffres de 2014. "Si l'on prend en compte les fumeurs occasionnels, le chiffre s'élève à 16 millions, ce qui correspond à une prévalence de 34,1%", ajoute la Cour des comptes.
Quand on compare avec le nombre de fumeurs quotidiens dans d'autres pays, la France a plutôt le bonnet d'âne. "Là où un Français sur trois fume, c’est le cas d'un Anglais sur cinq", relève la Cour des comptes.
Surtout, ces résultats sont inquiétants pour certaines franges de la population. Les personnes dont la situation financière est précaire demeurent plus concernées que les autres par le tabagisme. De plus, la France est le pays d'Europe dans lequel les femmes enceintes fument le plus, note le rapport.
Une tendance que certaines études avaient déjà mise en exergue… et que le Programme national de réduction du tabagisme, mis en place par le gouvernement, prévoit d'inverser. Il vise à diminuer le nombre de fumeurs quotidiens de 10% à cinq ans et de passer à moins de 20% de fumeurs quotidiens en 2024. Dans ce cadre, la Cour qualifie le paquet neutre d'"innovation marquante", et recommande de mesurer ses effets sur la consommation de tabac.
2Les ventes de tabac sont en légère baisse depuis 2011
Depuis cinq ans, la cigarette ne faisait plus vraiment recette. Les ventes sont passées de 54 108 tonnes en 2011 à 45 014 tonnes en 2014. Mais elles sont reparties à la hausse (+0,6%) au cours des trois premiers trimestres de 2015, selon l'Observatoire des drogues et des toxicomanies.
"Il serait sans doute prématuré, à ce stade, d'en déduire une inversion de tendance durable, mais cette évolution constitue une contre-performance certaine et un sujet d'inquiétude", analyse la Cour des comptes.
Le tabac à rouler représente une exception : moins taxé que les cigarettes, il s'est mieux vendu, sauf en 2014. Il a surtout du succès chez les jeunes, souligne la Cour des comptes.
3Les hausses de prix ont tendance à faire diminuer les ventes de cigarettes
Pourtant, comme le note le rapport, l'effet des hausses de prix du paquet de cigarettes sur les ventes est "direct", bien que "différencié selon leur ampleur".
La Cour des comptes recommande donc "des hausses de prix plus fortes et plus continues" à l'avenir afin de parvenir à "une baisse effective et durable de la consommation". Pour cela, elle s'appuie sur la tendance observée entre 2003 et 2004, où une forte hausse tarifaire a coïncidé avec une baisse prononcée de la consommation.
Dans sa réponse, le ministre des Finances, Michel Sapin, rétorque que le paquet de cigarettes le plus vendu est passé de 5 euros en 2004 à 7 euros, soit une hausse de 40%.
Mais si les hausses de prix ont un impact avéré sur les ventes, comment expliquer la stagnation du nombre de fumeurs ? La Cour des comptes donne une piste, sans pour autant disposer de données exploitables : les ventes de tabac hors réseau. Elle suppose que les consommateurs se fournissent au marché noir, ou légalement, dans les pays voisins où le tabac est moins cher.
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