Code du travail : "Compte-tenu du vide de la gauche politique, Mélenchon a une sorte de monopole d'opposition à Macron"

La France insoumise appelle à manifester samedi 23 septembre dans les rues de Paris, contre la réforme du Code du travail. Quelle que soit l'ampleur de la mobilisation, Jean-Luc Mélenchon "ne ressortira pas affaibli" de cette journée, car "il a aujourd'hui une sorte de monopole d'opposition à Emmanuel Macron" estime Guy Groux, spécialiste des mouvements sociaux, chercheur au Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po), samedi sur franceinfo.

franceinfo : C'est la deuxième mobilisation cette semaine, après la manifestation de jeudi. La multiplication, la fragmentation des mobilisations vous surprend-elle ?

Guy Groux : Elle n'est pas surprenante dans la mesure où il y a une forte division de la gauche politique et une division syndicale. La CGT n'a pas pu faire alliance avec FO lors des dernières journées de mobilisation et la CFDT se tient aussi à l'écart de ces journées-là. Si on regarde bien le quinquennat précédent de François Hollande, on s'aperçoit qu'il y avait eu dès la fin 2012, 2013, des tentatives de mobilisation de la part de la CGT, du PCF ou du Front de gauche et que ces mobilisations étaient restées très faibles jusqu'en 2016 avec la loi El Khomri. Il est toujours difficile d'enclencher un véritable mouvement de manifestations massives très peu de temps après des élections aussi importantes dans le contexte français que l'élection présidentielle et les législatives.

Emmanuel Macron a signé les ordonnances, elles ont été publiées au journal officiel. Ce temps politique peut-il affaiblir cette opposition ?

Incontestablement, cela fragilise les mobilisations. En outre, ces ordonnances ont été discutées puis votées pendant l'été, ce qui n'est de toute évidence jamais la période la plus favorable pour mobiliser massivement

Est-ce une situation inédite de voir un parti et un syndicat en concurrence, pour incarner l'opposition au gouvernement ?

Effectivement. Jusqu'à présent, les partis, lorsqu'il s'agissait de questions essentiellement sociales, laissaient l'initiative aux syndicats, quitte à se rallier au mot d'ordre des syndicats et à participer à leur mobilisation. Aujourd'hui on se rend compte qu'il y a deux initiatives parallèles. D'un côté celle de la CGT, de Solidaires, de la FSU et de quelques syndicats, et d'autre part la France insoumise. On pourrait dire que la France insoumise ne manifeste pas sur les mêmes bases que la CGT, dans la mesure où elle prend en compte des problèmes tels que les APL, les emplois aidés, les problèmes de constitution et d'ordonnances. Il n'en reste pas moins que (...) c'est sur le terrain social et de la réforme du code du travail que se situe la France insoumise. D'ailleurs elle parle de coup d'état social, et pas de coup d'état constitutionnel ou politique.

Jean-Luc Mélenchon joue-t-il gros pour sa crédibilité de premier opposant ?

Jean-Luc Mélenchon comme la France insoumise sont dans une stratégie d'affrontement radical face à Emmanuel Macron. Même si la manifestation ne débouche pas sur les résultats qu'ils en attendent, compte-tenu du vide de la gauche politique (...) Mélenchon a aujourd'hui une sorte de monopole d'opposition à Macron. Ce qui fait également dans une certaine mesure sa force, c'est qu'il se substitue à ce que beaucoup attendaient du Front national. Rappelons-nous les discours d'il y a six mois seulement, on nous présentait le Front national comme unique alternative politique au représentant, si je puis dire, de la France républicaine. Mélenchon s'est totalement substitué à cela, et c'est de là qu'il tire sa force. Quels que soient les résultats ce soir de la manifestation, il n'en ressortira pas affaibli.