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Code du travail : le gouvernement mise sur l'extension du CDI de chantier pour faire baisser le chômage

L'extension du CDI de chantier est prévue dans la réforme du Code du travail dont les ordonnances seront dévoilées jeudi. La mesure est censée faire baisser le chômage mais ses détracteurs craignent une hausse de la précarité.

Article rédigé par Isabelle Raymond - Edité par Alexandra du Boucheron
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Emmanuelle travaille sur le chantier de réhabilitation du siège de la Banque populaire-Caisse d'épargne Grand-Est (ISABELLE RAYMOND / RADIO FRANCE)

Le Premier ministre, Édouard Philippe, et la ministre du Travail, Nicole Pénicaud, doivent dévoiler, jeudi 31 août, les cinq ordonnances visant à réformer le Code du travail. Parmi les annonces prévues, il y a l'extension à plusieurs domaines d'un CDI un peu particulier : le CDI de chantier.

Pour l'instant, ce contrat n'est utilisé que dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Il permet d'embaucher un salarié sur une durée beaucoup plus longue qu'un CDD : la fin du contrat correspond à la fin du chantier. C'est connu : on sait quand un grand chantier commence, rarement quand il se termine. Étendu à d'autres secteurs, cet outil est censé assouplir le marché du travail et faire baisser le chômage. C'est en tout cas l'objectif affiché de ces ordonnances.

Recrutée au premier jour d'un chantier

Emmanuelle est assistante de chantier. En ce moment, elle travaille sur le chantier de réhabilitation du siège de la Banque populaire-Caisse d'épargne Grand-Est, un beau bâtiment en pierres de taille dans le centre-ville de Metz. Elle a signé un contrat indéterminé de chantier en janvier 2014, quand les travaux ont commencé. "C'est un chantier d'envergure qui va durer un certain temps. En ce qui me concerne, je suis très contente d'être à ce poste parce que, même s'il s'agit de contrat de chantier, la période va durer entre 4 et 6 ans." 

Avec ce CDI de chantier, Emmanuelle, qui a subi un licenciement économique dans le passé, peut s'installer et voir venir. Bien entendu, elle espère que ce CDI de chantier débouchera sur un CDI tout court. Rien n'est exclu. Son entreprise, le groupe Demathieu Bard, compte 50 CDI de chantier pour 2 200 salariés. 

Un outil comme un autre

Les contrats de chantier correspondent "aux besoins de l'entreprise pour des chantiers qui sont de longue durée, qui se font sur trois, voire cinq années, comme nous ferons dans les prochains temps sur le Grand Paris", indique Jacques Perrin, le directeur des ressources-humaines de l'entreprise. Il considère que c'est un outil parmi d'autres. "Dans notre secteur, le BTP, nous utilisons le contrat de chantier depuis très longtemps. Cela fait partie de notre mode de fonctionnement mais ce n'est pas la majorité des contrats.

Un moyen de se substituer à d'autres formes de flexibilité. 

Jacques Perrin, DRH de Demathieu Bard

à franceinfo

Un CDI alléchant pour d'autres secteurs 

Selon Sylvain Niel, avocat spécialisé en droit social et président du Cercle des DRH, un club de réflexion et de lobbying, de nombreux autres secteurs seraient intéressés par ces contrats de chantier. "La chaudronnerie, l'ingénierie, les services informatiques", détaille-t-il.

C'est un fonctionnement d'entreprise en mode projet. 

Sylvain Niel, avocat et président du Cercle des DRH

à franceinfo

"Vous avez un constructeur automobile qui veut développer un nouveau prototype, par exemple avec une nouvelle énergie, qui va lancer ce projet, poursuit Sylvain Niel. Et là, on pourrait très bien utiliser ce qu'on appelle aujourd'hui le contrat de chantier."

Les ordonnances réformant le Code du travail prévoient que le recours à ces contrats soit négocié et verrouillé au niveau de la branche professionnelle. Ce sont donc aux différents secteurs d'activité de signer des accords sur le sujet. Encore faut-il que les syndicats de ces branches professionnelles soient d'accord. C'est loin d'être gagné.

Un risque de précarisation

Dans les métiers du numérique, un secteur potentiellement très intéressé par ces types de CDI, certains se méfient de ce contrat qui "va tirer vers le bas" les salaires, selon Patrick, informaticien depuis 25 ans. Aujourd'hui, les informaticiens sont le plus souvent en CDI au sein de SSII, des sociétés de service informatique. Avec ce CDI de chantier, ces SSII n'auront plus à rémunérer leurs informaticiens entre deux contrats chez un client.

Le surcoût social dû à la formation sera fait par Pôle emploi donc ça va être un coût supplémentaire dont les entreprises vont se décharger.

Patrick, informaticien

à franceinfo

Le CDI de chantier n'a donc pas que des défenseurs, y compris chez ceux qui en bénéficient actuellement dans le BTP

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