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Revenu de base : "Un enjeu national de cohésion sociale et de solidarité"

Jean-Luc Chenut, président socialiste du Conseil départemental d’Ille-et-Vilaine, qui a participé à l’élaboration d’un projet de "revenu de base" était l'invité de franceinfo mercredi 6 juin 2018.

Article rédigé par franceinfo
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Jean-Luc Chenut, président socialiste du Conseil départemental d’Ille-et-Vilaine, à Rennes, le 2 avril 2015. (JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP)

"La lutte contre la pauvreté est un enjeu national de cohésion sociale et de solidarité", a déclaré mercredi 6 juin 2018 sur franceinfo Jean-Luc Chenut, président socialiste du Conseil départemental d’Ille-et-Vilaine, qui a participé à l’élaboration d’un projet de "revenu de base", avec "pour objectif global de tendre au-dessus du seuil de pauvreté, soit 845 €". Treize départements veulent expérimenter à partir de l’automne le "revenu de base" pour les personnes à faibles ressources. Le projet est présenté ce mercredi lors d’un colloque.

franceinfo : Comme avez-vous été amenés à établir le projet d’un "revenu de base" ?

Jean-Luc Chenut : Nous essayons de définir quelque chose avec un objectif central : la lutte contre la pauvreté. Quel que soit la densité des dispositifs existants et souvent leur complexité, le constat est fait qu’il y a encore au moins 9 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté dans notre pays. C’est vraiment un enjeu national de cohésion sociale et de solidarité. Au-delà des débats qui agitent certains en ce moment, je crois que ce constat-là c’est une réalité. A la fin de l’année 2017, avec un certain nombre de collègues, et en l’occurrence la Gironde avait un petit peu d’avance sur cette perspective, nous avons décidé de regrouper nos efforts pour réfléchir ensemble à une échelle suffisamment importante, car avec 13 départements nous représentons 8 millions d’habitants. Nous avons cherché à mettre en commun un socle de réflexion, avec une base aussi scientifique et étayée que possible. Nous avons pris le temps d’une mission d’expertise confiée à l’Institut des politiques publiques de Paris, pour nous aider à objectiver les éléments.

En quoi consiste concrètement cette proposition ?

Dans un premier temps, le constat aujourd’hui c’est beaucoup de non-recours à cause de la complexité des dispositifs. Il s’agit de, sûrement, fusionner des éléments tels que le Revenu de Solidarité Active ou l’allocation d’Aide au retour à l’Emploi. Nous avons des discussions sur le fait d’intégrer ou non des aides au logement, également assez complexes. Nous souhaitons élargir ces dispositifs aux jeunes de moins de 25 ans qui aujourd’hui en sont totalement exclus, alors que c’est chez eux que l’on retrouve le taux de pauvreté le plus important. Enfin, nous voulons instaurer un principe de dégressivité afin qu’en aucun cas ce dispositif ne soit contre-productif par rapport à l’emploi. Ce n’est pas un revenu universel qui est proposé, c’est un revenu "de base", lié bien sûr à un niveau de ressources. Un principe d’inconditionnalité serait posé pour lutter contre le non-recours. On parle souvent du coût des aides sociales, mais dans les faits, 30% des bénéficiaires potentiels ne bénéficient de rien. Cela explique des situations qui sont ensuite génératrices d’exclusion sociale, et de difficultés de toutes natures que la société doit traiter après coup. Nous sommes conscients de l’acuité, de l’ampleur des moyens qu’il faudra mobiliser mais il s’agit d’abord d’obtenir un droit à expérimenter, sur un échantillon d’approximativement 20 000 personnes, sur une durée d’environ 2 ans. Le montant dépendra d’un certain nombre de choses, y compris par exemple de l’intégration ou non, des allocations d’aide au logement. En toute hypothèse, il ne doit pas y avoir de perdant dans ce dispositif, et l’objectif global est de tendre vers quelque chose qui serait au-dessus du seuil de pauvreté, soit aujourd’hui 845€.

Quels sont les étapes à venir pour la mise en place de ce revenu ?

Afin de commencer le test de ce "revenu de base", il nous faut une validation législative, que cela puisse être traité dans le cadre des débats qui auront lieu tout cet automne et que l’ouverture puisse se faire à partir de 2019. Nous souhaitons l’obtention d’un droit à l’expérimentation. Nous aurons recours à des contrats avec l’Etat, à des modes contradictoires d’évaluation, à la définition de critère pour évaluer a posteriori les effets positifs ou négatifs avant d’envisager toute forme de généralisation. En toute hypothèse, une généralisation ne pourrait être que progressive et inscrite dans la durée. Nous sommes déterminés, être confiants c’est autre chose ; le discours qui a émergé ces dernières semaines est un peu préoccupant sur la posture par rapport à ‘l’assistanat’ qui serait le mal principal de la société française. Je pense que les présidents de départements, qui sont au cœur des proximités et des solidarités, voient bien que ce n’est pas là l’essentiel, que les questions de fraude sont marginales par rapport aux volumes totaux qui sont en question. La pauvreté, c’est le vrai problème dans notre société.

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