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Budget : les classes moyennes vont-elles payer la facture ?

Jérôme Cahuzac a annoncé la nécessité de trouver 6 milliards d'euros supplémentaires en 2014. Les classes moyennes, déjà sollicitées en 2013, pourraient de nouveau en faire les frais.

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Le ministre de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici (D), tient une conférence de presse aux côtés du ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, le 22 février 2013 à Paris. (ERIC PIERMONT / AFP)

Jérôme Cahuzac, le ministre du Budget, a annoncé, lundi 25 février, la nécessité de trouver 6 milliards d’euros de "recettes supplémentaires" pour 2014, laissant entrevoir de nouvelles hausses d’impôts. François Hollande avait déjà évoqué cette piste au Salon de l'agriculture, dimanche : "C'est d'abord par des économies et subsidiairement par des prélèvements supplémentaires que nous devrons atteindre nos objectifs." En juin 2012, le président de la République avait promis de ne pas répercuter les mesures de rigueur sur les classes moyennes.

Depuis, le gouvernement a été contraint de mettre en place un budget d'austérité pour tenir ses objectifs, et l'opposition dénonce une promesse non tenue. Lors de la rencontre des Amis de Nicolas Sarkozy, le 20 février, le président de l'UMP, Jean-François Copé, a fustigé un "matraquage fiscal" qui "étrangle les classes moyennes et paralyse la croissance". Qu'en est-il vraiment ?

Les classes moyennes sont devenues un symbole politique à gauche comme à droite. Pourtant, leur définition ne fait l'objet d'aucun consensus. Le Monde a tenté de chiffrer l’appartenance à cette catégorie hétérogène, en citant l'Observatoire des inégalités : moins de 4 068 euros net par mois pour un couple sans enfants, et moins de 5 174 euros pour un couple avec deux enfants. Avec cette définition, 50% des Français sont concernés, ceux qui se trouvent entre les 30% les plus pauvres et les 20% les plus riches. Une autre définition retient les catégories socioprofessionnelles (artisans, commerçants et professions intermédiaires), soit 30% de la population. Mais la perception des Français est tout autre : environ 75% d'entre eux ont le sentiment d'appartenir aux classes moyennes.

Pour Henri Sterdyniak, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) contacté par francetv info, le curseur doit être décalé vers le haut. S'il reconnaît que toute tentative de définition de cette catégorie est compliquée, il estime que les classes moyennes représentent les 45% de Français situés entre les 50% de classes populaires et les 5% de personnes aisées. Malgré la complexité de la définition, francetv info a recensé les évolutions budgétaires qui risquent de peser sur les classes moyennes.

Les mesures à l'étude

Pour tenir l’engagement présidentiel d’un retour à l’équilibre des comptes publics en 2017, le gouvernement travaille sur de nouvelles pistes pour augmenter les recettes.

La taxation du livret A Malgré la baisse du taux rémunérateur de 2,25% à 1,75% au 1er février, le livret A reste le placement favori des Français. Une popularité due à la défiscalisation de ce mode d'épargne et au relèvement de son plafond par le gouvernement. Mais, selon Europe 1, Bercy réfléchirait à taxer les intérêts liés à l'épargne située entre l'ancien plafond (15 300 euros) et le nouveau (22 950 euros), à hauteur de 15,5%. Cette mesure ne devrait toucher, selon Europe 1, que les plus hauts revenus, puisque moins de 10% des livrets ont atteint le plafond. A l'inverse, Henri Sterdyniak considère que le "livret A est typiquement conçu pour les classes moyennes, les plus riches préférant d'autres types d'épargne".

La réforme des allocations familiales Aujourd'hui, toutes les familles d'au moins deux enfants peuvent percevoir des allocations familiales, quels que soient leurs revenus. Les ménages ne paient pas d’impôt sur ce revenu complémentaire. Suggérée par le président de la Cour des comptes, Didier Migaudune des pistes serait de fiscaliser ces prestations, qui seraient prises en compte dans le calcul de l’impôt sur le revenu. Le gouvernement pourrait aussi décider d’attribuer les allocations familiales sous conditions de ressources ou de fiscaliser d’autres prestations sociales, comme l’allocation logement. Le ministre des Finances, Pierre Moscovici, attend le rapport du Haut Conseil de la famille pour se prononcer.

Le dispositif ne toucherait pas vraiment les plus modestes, mais une partie des classes moyennes. Dans un livre paru en septembre 2012 et cité par Le Figaro, Bertrand Fragonard, président délégué du Haut Conseil de la famille et chargé d'une mission sur la réforme de la politique familiale, avance que la modification du système "frapperait durement le haut des classes moyennes". Un calcul de la société Fidroit pour Le Monde montre qu'en cas de fiscalisation, un couple marié avec deux enfants, gagnant au total 3 000 euros net par mois et touchant 127,05 euros d'allocations familiales subirait une hausse de 17,6% de son impôt sur le revenu (de 717 à 843 euros). Pour Henri Sterdyniak, fiscaliser ou plafonner les allocations familiales toucherait directement les classes moyennes, qui "supporteraient 2 des 2,5 milliards d'euros" de cet effort budgétaire.

Selon Europe 1, Bercy pencherait plutôt pour un versement sous conditions de ressources. Les allocations diminueraient progressivement. Par exemple, les familles recevraient la totalité de l'aide jusqu'à 3 000 euros de revenus mensuels, puis de moins en moins jusqu'à 4 500 euros, seuil à partir duquel elle ne serait plus versée. Un scénario qui a l'avantage de recueillir l'adhésion des Français, selon un sondage Ifop pour Le Figaro.

Les hausses pour 2013

Pour le budget 2013, le gouvernement a acté de nombreuses hausses de taxes comme celles sur la bière ou les cigarettes. La droite a surtout concentré ses critiques sur la fin des aides aux heures supplémentaires, créées par Nicolas Sarkozy. Pour Henri Sterdyniak, cette mesure est supportée pour moitié par les classes moyennes (2 des 4 milliards d'euros). L'économiste évoque aussi la hausse de la taxation des dividendes, intérêts et prélèvements sociaux, qui pèsent essentiellement sur "les individus d'un certain âge qui se sont constitué une petite épargne pour leur retraite". D'autres évolutions budgétaires pourraient toucher les classes moyennes.

Le maintien du gel du barème de l’impôt sur le revenu François Hollande n'a pas tenu sa promesse de revenir sur le gel du barème de l'impôt sur le revenu, institué par le gouvernement Fillon en novembre 2011. Le calcul des tranches d'imposition n'est plus ajusté en fonction de l'inflation. Des contribuables basculent ainsi dans des tranches supérieures et leurs impôts augmentent. Il existe désormais six tranches avec des pourcentages d'imposition progressifs (de 0 à 45%). Pour éviter de toucher les plus pauvres, une décote a été mise en place pour les deux premières tranches, qui regroupent, selon Henri Sterdyniak, les classes populaires. Les premières victimes du gel seraient donc bien les classes moyennes, en commençant par la troisième tranche (à partir de 11 897 euros de revenu imposable par part et par an).

La fin du système du forfait pour les emplois à domicile Jusqu'à présent, les ménages pouvaient déclarer "au réel" ou "au forfait" leurs baby-sitters, femmes de ménage et autres employés à domicile. En choisissant le forfait, ils payaient des charges sociales sur l'équivalent d'un smic, même si la rémunération était supérieure au salaire minimum. Résultat, une facture réduite pour l'employeur, mais une protection sociale plus faible pour les salariés. Le gouvernement a choisi de supprimer ce système qui bénéficiait d'abord aux classes moyennes et aisées. Les emplois à domicile coûteront donc désormais plus cher. L'impact de cette mesure est toutefois à nuancer car elle ne touche ni les aides à domicile pour les personnes âgées ou handicapées, ni les gardes d'enfants de moins de 6 ans.

La baisse du plafond du quotient familial Le quotient familial permet de diviser le revenu d'un ménage par un nombre de parts en fonction de la taille du foyer. Il permet notamment de réduire l'impôt sur le revenu des familles ayant des enfants. Le gouvernement a décidé de réduire l'avantage fiscal de 2 336 à 2 000 euros par enfant (ou parent à charge). Selon Le Figaro, cette mesure doit concerner 1 million de ménages gagnant environ six fois le smic, donc des classes moyennes très supérieures.

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