A quoi ressemblera la voiture du futur ?
Le Mondial de l'automobile s'ouvre ce week-end à Paris. L'occasion pour ses visiteurs d’admirer les prototypes et d’imaginer la voiture du futur. Nous avons demandé à Bernard Jullien, spécialiste du sujet, d'en esquisser le portrait.
C'est la grand-messe à ne pas manquer pour les constructeurs et les passionnés. A partir de ce week-end et jusqu’au 19 octobre, le Mondial de l'automobile se tient au Parc des expositions de Paris. Chaque constructeur profite de l'évènement pour rivaliser d’ingéniosité et présenter des prototypes audacieux qui donneront peut-être naissance aux véhicules du futur.
Comment font les constructeurs pour conquérir le marché de demain ? Autonomes, peu chères, écologiques ou ultraconnectées, à quoi ressembleront nos voitures dans quelques années ? Francetv info a demandé à Bernard Jullien, économiste, directeur du Gerpisa, réseau international de recherche sur l'industrie automobile, et coauteur avec Yannick Lung et Christophe Midler de L'épopée Logan (éd. Dunot, 2012), d’imaginer la voiture du futur.
Francetv info : Chaque année, on nous promet une révolution technologique majeure dans le domaine de l'automobile. La voiture du futur est-elle enfin pour demain ?
Bernard Jullien : Non, elle n’est pas pour tout de suite. En réalité, dans l’histoire de l’automobile, il n’y a eu qu’une seule révolution technologique : celle du moteur à combustion et de la production de masse. Nous nous attendions à une révolution avec la voiture électrique, mais pour différentes raisons, cela n’a pas été le cas. L'industrie automobile évolue, mais sur un rythme extrêmement long, car elle est engoncée dans des contraintes économiques, politiques et sociales.
Au Mondial de l’automobile, les visiteurs découvrent des modèles étonnants, des prototypes futuristes et prometteurs, mais qui ne seront, pour la plupart, jamais fabriqués pour des raisons de faisabilité, de coût et de marché. Forcément, la réalité est moins excitante qu’au Mondial de l’automobile et c'est une déception que les spécialistes sont habitués à gérer, et que le grand public doit digérer.
Pouvez-vous nous dresser le portrait-robot de la voiture de demain?
La voiture de demain sera rationalisée à tous les niveaux. De son empreinte écologique à sa consommation en passant par l'espace qu'elle occupe, car dans de nombreuses grandes villes, le manque de place devient un problème récurrent.
Dans ce sens, la voiture du futur sera avant tout une voiture partagée. Les constructeurs automobiles vont devoir s’adapter, en particulier s’ils veulent s’implanter en Chine ou en Inde. Nous disposons des outils techniques d’information et de communication qui vont permettre de développer ces systèmes de mobilité automobile, plus respectueux des espaces. Certains sites internet ou applications mobiles permettent déjà de partager facilement sa voiture, de la louer entre particuliers ou de trouver des personnes à covoiturer. Ces systèmes de partage sont appelés à prendre, dans le secteur automobile et dans les pratiques des ménages, une importance croissante. Ils seront au moins aussi importants que la technologie dans l’industrie automobile.
La voiture électrique partagée a aussi toutes les chances de se développer. Car la voiture partagée est aussi une manière de donner de la crédibilité à l'électrique, qui reste relativement chère. Mais on peut aussi imaginer l'exact inverse : un véhicule électrique pour le quotidien et une voiture à moteur thermique partagée pour les week-ends. Il faut donc rester ouvert et comprendre que ce sont les ménages qui décideront des modes de partage les plus opportuns et donc de ce qu’ils attendent de la voiture de demain.
Quelles sont les innovations que les constructeurs privilégient pour l'instant ?
Les constructeurs privilégient les technologies qui réduisent au maximum la consommation de carburant. Nous nous dirigeons actuellement vers des modèles hybrides qui consommeront moins de 2 litres aux 100 kilomètres. Le marché de l'hybride est le plus prometteur. Il commence à s'étendre, même si les voitures restent très chères et que les ménages sont obligés de dépenser beaucoup d'argent pour en acquérir une. Mais les constructeurs veulent faire des efforts et arriver à proposer des hybrides au prix des thermiques. Des hybrides low cost permettraient de renouveler notre parc automobile vieillissant qui en a bien besoin.
Le moteur à hydrogène est aussi une piste privilégiée par les constructeurs. C'est un moteur 100% propre, dont le principe repose sur la production d'électricité à partir de l’hydrogène par l’intermédiaire d’une pile à combustible. Les constructeurs travaillent dessus depuis plus de quinze ans et c’est une perspective sérieusement envisageable dans les vingt prochaines années.
En revanche, la voiture électrique, qui a bénéficié d'investissements massifs des grands constructeurs, peine à tenir ses promesses, même en période de pétrole cher. Renault avait espéré une progression plus rapide de ses ventes, mais il y a eu des hésitations à la fin du projet, dues au changement de dirigeant ou encore à l'affaire de l'espionnage industriel. Néanmoins, le marché évolue rapidement, les produits se multiplient et les prix baissent. L‘électrique s’impose ainsi progressivement sur le marché français, avec notamment la Bluecar de Bolloré ou encore les voitures électriques de BMW et Volkswagen.
La préoccupation écologique est toujours un levier d'innovations ?
Les ménages comme les constructeurs ont une appétence toute relative pour l'écologie. Il suffit de voir le succès des SUV (Sport utility vehicle), appelées aussi crossovers, qui ont vu leurs ventes multipliées par 10 en dix ans. L'écologie est un élément majeur, mais c'est aussi un élément facilement oublié. Ces pseudo 4x4, comme le Qashqai de Nissan ou le X3 de BMW, surélevés et plus lourds, ne sont pas des véhicules franchement écologiques...
Seuls des signaux donnés par le gouvernement peuvent infléchir la consommation des ménages. Le système de bonus-malus écologique, qui s'applique lors de l'achat de voitures neuves en France, peut clairement peser sur le choix du véhicule et amener les Français à choisir la voiture la plus écologique. Les constructeurs, eux, suivront la demande.
L'industrie automobile a toujours été intimement liée aux décisions gouvernementales. Concernant la voiture électrique, le gouvernement aurait pu en faire plus. Aujourd’hui, avec la hausse de la taxe sur le diesel [en 2015] de deux centimes par litre, le but est de redéployer le choix du consommateur. Les ménages vont redécouvrir les véhicules essence et leurs vertus : un moindre coût à l'achat et lors de l'entretien de la voiture. Mais l'industrie automobile reste un paquebot très difficile à manœuvrer sur un temps court.
On parle beaucoup de ces voitures autonomes qui n’auront plus besoin de chauffeur. Peut-on imaginer qu’elles puissent rouler sur les routes françaises dans quelques années ?
La voiture autonome est crédible à long terme. Ce ne sera peut-être pas une voiture totalement indépendante, qui se conduit seule pendant que le chauffeur, devenu passager, travaille ou regarde la télévision. Mais on peut imaginer un transfert progressif. Il est probable que nos voitures pourront se garer seule, s'arrêteront au feu rouge, respecteront les distances de sécurité et pourront éviter des obstacles soudains. Par ailleurs, ces aides à la conduite existent déjà, comme les alertes de franchissement de ligne, ou encore les radars et les caméras de recul. Certains modèles effectuent même des créneaux tout seuls.
Le marché du low cost se développe. Peut-on s'attendre à des voitures de moins en moins chères ?
Une grande partie de l'industrie automobile est positionnée sur le créneau du low cost. Renault, avec la Logan, est très en avance sur le marché et travaille actuellement sur un véhicule ultra-low cost autour de 3 000 euros, destiné à l'Inde et au Brésil. Il n'est pas impossible de voir un jour ce modèle arriver sur le marché européen. D'autres constructeurs ont cette même perspective, mais il est très difficile d'accoucher d'un produit aussi peu cher.
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