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Rendre malade de stress son salarié est une faute inexcusable

Au terme d'un arrêt rendu jeudi, la Cour de cassation admet qu'un salarié victime d'un accident de santé lié au stress du fait d'une politique de surcharge de travail pour une réduction des coûts, pourra invoquer la "faute inexcusable" de son employeur, qui aura alors manqué à son obligation de sécurité. Explications.
Article rédigé par Ludovic Pauchant
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Maxppp)

Moins cher. Mais plus, vraiment toujours plus, jusqu'aux
confins du supportable : le travail ne rime pas toujours avec santé. En témoignent,
nombreux, ceux qui voient leur santé se dégrader au fur et à mesure que la
pression de leur employeur s'appesantit sur leurs épaules.
Pourtant, l'employeur est légalement tenu de mobiliser toutes les
ressources à sa disposition pour préserver son salarié des risques auxquels il
s'expose lorsqu'il est au travail : c'est l' "obligation de
sécurité
".

Jusqu'ici, la Cour de cassation ne reconnaissait pas les "mises
sous pression" comme une faute inexcusable des employeurs dans l'accomplissement
de leur obligation de sécurité. Dorénavant, lorsque l'employeur, parce qu'il
veut réduire les coûts, mettra sur son salarié une pression telle qu'il en
tombera malade de stress, les juges considèreront qu'il aura commis une faute inexcusable
dans l'exécution de son obligation de sécurité.

La faute inexcusable ouvre droit à une majoration d'indemnités

Expliquons-nous : si l'entreprise est défaillante dans
l'exécution de son obligation et qu'un accident survient, le salarié pourra prétendre
à une réparation forfaitaire (remboursement des frais médicaux, indemnité
journalière pour incapacité temporaire de travail, voire, parfois, et une rente
en cas d'incapacité physique permanente).

Voilà pour le cas où l'accident survient, que l'entreprise
est "fautive" mais pas.... "inexcusablement" fautive :
elle le sera lorsqu'il est établi qu'elle "a eu, ou qu'elle
aurait dû avoir conscience du danger auquel s'exposait le salarié
",
et qu'elle "n'a pas pris les mesures nécessaires l'en préserver"
Or le régime de l'indemnisation au titre de la faute inexcusable de l'employeur
est beaucoup plus avantageux pour le salarié (ou, le cas échéant, ses
héritiers), puisqu'il pourra prétendre à une majoration d'indemnités.

Le silence du salarié ne vaut pas approbation

Pour l'entreprise, ce n'est pas un point de détail : lorsque
la caisse primaire versera le complément au salarié, elle se retournera contre
l'employeur pour se faire rembourser : selon le montant de la rente, l'addition
peut être salée. Et donc dissuasive. 
Charge à lui, désormais, de ménager son salarié. Il ne pourra d'ailleurs
invoquer, comme celui à l'origine de la décision de la Cour, que la médecine du
travail ne lui avait jamais signalé de problèmes de santé : les juges ont
rejeté tout net l'argument, invoquant notamment le"respect dû aux personnes
concernées par ces choix de direction
". En soulignant, au
passage, que le silence du salarié, puisqu'il est tributaire de son emploi, ne
pouvait valoir approbation...

Certains maugréeront déjà qu'il y a stress et stress, qu'il
y a pression et pression, et que, parfois, certaines situations apparemment
ressenties comme normales par certains seront intolérablement anxiogènes pour d'autres.
 La Cour ne donne pas de précisions à cet
égard. Les faits relatifs à l'arrêt qu'elle rendait jeudi sont peut-être un
début de piste qu'exploreront les autres juges à l'avenir : l'entreprise avait
divisé par cinq en quelques années le nombre de ses collaborateurs, en réclamant au salarié plaignant de "produire" 40% en plus...

 

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