Cet article date de plus de deux ans.

Problèmes dentaires, ophtalmologiques, gynécologiques… Un rapport de l'OIP dénonce le manque d'accès aux soins spécialisés en prison

Délais d'attente trop longs, annulations d'extraction, renoncement à des soins... Selon l'Observatoire international des prisons, les personnes détenues font face à d'importantes difficultés pour accéder aux soins spécialisés.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Un médecin soigne un patient détenu allongé sur un lit dans une salle de soins de l'hôpital pénitentiaire de Fresnes installé au sein de la prison, le 25 novembre 2020. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

Problèmes dentaires, ophtalmologiques, traumatologiques, gynécologiques, dermatologiques... Un rapport de l'OIP (Observatoire international des prisons), publié mercredi 6 juillet, et auquel franceinfo a eu accès, dénonce le manque d'accès aux soins spécialisés des détenus dans les prisons.

>> Accès aux soins en prison : "Le médecin n'était pas là, ou transmettait des ordonnances sans l'avoir vu", déplore la compagne d'un détenu atteint d'un cancer

Selon ce rapport, les difficultés comprennent notamment des "délais d’attente pour obtenir un rendez-vous à l’unité sanitaire ou au centre hospitalier de rattachement, des annulations d’extraction, ou encore un renoncement à des soins pour éviter des conditions d’extraction indignes". Le rapport souligne qu'il y a par ailleurs une "impossibilité de faire entrer en détention le matériel médical pourtant prescrit par les soignants".

Près de 900 témoignages reçus par l'observatoire

En 2021, l’OIP a reçu plus de 900 sollicitations de personnes détenues ou de leurs proches relatives à la santé en détention, dont près de 400 concernant l’accès aux soins. La moitié (197) concernait l’accès à des soins dits "spécialisés", pour lesquels les patients signalaient rester longtemps en attente d’examens, de soins et/ou de traitements.

Parmi les témoignages recueillis par l'OIP il y a notamment celui de ce détenu en préventive depuis juillet de l'année dernière à la maison d'arrêt de Dijon. "Je n’ai pas pu emmener mon appareil dentaire, qui de toute façon n’est plus utilisable maintenant que les gencives se sont reformées, raconte-t-il. Or je n’ai plus de molaires. Alors comme je ne peux pas mâcher, on me prescrit des médicaments contre la mauvaise digestion, les brûlures d’estomac."

Des cancers non détectés

L'OIP rapporte également le cas de Laura, incarcérée à Roanne, dans la Loire, à qui un gynécologue a refusé de pratiquer un frottis. Bénéficiant d'un aménagement de peine, un an et demi plus tard, elle a pu effectuer enfin cet examen qui a révélé un cancer du col de l'utérus.

"Pour les spécialités les plus demandées, les personnes détenues doivent parfois attendre plusieurs mois avant d’obtenir un rendez-vous, quand elles l’obtiennent."

Observatoire international des prisons

Par ailleurs malgré une prévalence importante des maladies infectieuses en prison, et notamment du VIH et de l’hépatite C, "leur prévention comme leur prise en charge sont ralenties par les contraintes liées à la détention. Ces défaillances contribuent à une détérioration de l’état de santé des personnes incarcérées, avec des conséquences parfois dramatiques : des pathologies qui s’aggravent, des cancers non détectés, et plus globalement une perte de chance", de guérir et d'être soignés.

Des freins dans la bonne prise en charge des patients

Le rapport met l'accent sur les freins qui sont nombreux en prison pour bien prendre en charge certaines pathologies dont le "suivi est incompatible avec les restrictions imposées par la détention". Or, le principe de l’égalité des soins entre personnes détenues et population générale est inscrit dans la réforme du 18 janvier 1994 qui a transféré la responsabilité de la prise en charge sanitaire des personnes détenues du ministère de la Justice à celui de la Santé.

Il y a des problèmes de disponibilité d’escorte et d’atteinte à la confidentialité des soins. "Pour les prises en charge plus longues en revanche, l’existence de structures spécialisées, les unités hospitalières sécurisées, garantit des conditions plus respectueuses des droits fondamentaux des patients détenus. Mais d’autres problèmes s’y posent", notamment un "manque de place dans les unités dédiées à la santé mentale", ce "qui contribue à une limitation de l’accès aux soins."

Réformer les politiques pénales

Parmi les recommandations pour améliorer la prise en charge sanitaire des personnes incarcérées, l'OIP requiert "une réforme des politiques pénales pour mettre fin à la surpopulation carcérale." L'observatoire international des prisons évoque le budget alloué à la santé en prison calculé en fonction du nombre théorique de détenus alors qu'on sait qu'il y a en ce moment une surpopulation carcérale de 120%. Il appelle aussi à "doter les unités sanitaires des équipements médicaux nécessaires à l’exercice des spécialités présentes en détention" et à favoriser les permissions de sortie pour se faire soigner.

Enfin, selon l'observatoire, l'État doit "mettre en place une feuille de route nationale qui vise à assurer un financement pérenne des postes du personnel médical et paramédical avec notamment des effectifs dédiés et suffisants au sein des unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP) pour les spécialités qui doivent être accessibles sur place et pour lesquelles la télémédecine n’est pas une solution (dentisterie, kinésithérapie, gynécologie, ophtalmologie, etc.)".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.