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Soupçons de trafic dans des animaleries : "Il y a des rumeurs depuis des années"

Des perquisitions ont eu lieu dans plusieurs animaleries quai de la Mégisserie à Paris, mardi. Un propriétaire, notamment, est soupçonné de trafic d'animaux et blanchiment d'argent. 

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Quai de la Mégisserie, à Paris, le 2 août 2011.  (TANGOPASO / WIKIMEDIA)

Dans les cages, des boules de poils marron et crème s'agitent sous l'étiquette "Lapins nains extra-mini". Ce sont les seuls animaux encore visibles dans l'une des sept animaleries perquisitionnées, mardi 10 juin, quai de la Mégisserie à Paris. Mercredi, seules deux d'entre elles ont réouvert. Et huit personnes étaient toujours en garde à vue. Parmi elles, au moins un propriétaire de boutique, des employés mais aussi des vétérinaires, soupçonnés, entre autres, de maltraitance animale, tromperie, escroquerie, blanchiment d'argent, abus de biens sociaux et exercice illégal de la médecine vétérinaire.

"On n'a aucune nouvelle des animaux"

Au n°14, petite boutique exiguë sur deux étages, cinq employés en grande conversation, gobelet Starbucks dans une main, empilent machinalement dans de grands sacs-poubelle des poignées de foin de prairie usagé, provenant des cages vides. Comme dans trois autres échoppes, toutes détenues par le même propriétaire, chiens et chats ont été saisis par les services des douanes. Restent les étiquettes, "chatons persans 850 euros", "chihuahua 1 290 euros". 

"On n'a aucune nouvelle ni des animaux, ni des responsables, donc on ne parle pas", lance une employée qui passe à peine la tête par la porte. "On vient juste nourrir les poissons et les oiseaux", souffle un autre, qui s'empresse d'abaisser le store métallique de la sienne, quelques mètres plus loin. 

"Au moins, chez vous, c'est propre"

La garde à vue de Jean-Pierre L., déjà condamné en septembre 2006 pour mauvais traitements envers les animaux et qui possède quatre des six boutiques du quai, ne surprend pas la patronne d'une animalerie concurrente. "Les clients nous disent toujours : 'ah, au moins, chez vous, c'est propre, ça sent pas mauvais'", raconte-t-elle, tout en enfilant sa blouse blanche. "Nous, on nettoie les cages en permanence", affirme-t-elle. 

Et d'ajouter : "Moi, je suis sereine, la police a embarqué une vingtaine de chatons et chiots pour des tests, mais ils ont tous des documents." Elle décrit en creux les pratiques de son voisin, qu'elle se refuse à accabler ouvertement. "Cela fait des années qu'il y a des rumeurs. Au moins, là, la justice s'est donné les moyens", concède-t-elle, couverte par les cris des perroquets qui semblent hilares. 

Des salariés "dégoûtés", des "méthodes lunaires"

Un des chiots saisis lors des perquisitions dans les animaleries du quai de la Mégisserie, à Paris, le 10 juin 2014.  (SPA PARIS)

"Les maltraitances, je n'y crois pas, tous les employés étaient gentils avec les animaux. Mais le trafic, je ne peux pas dire..." entame le serveur d'un café voisin. En tout cas, les salariés des animaleries qu'il côtoie quotidiennement depuis des années "étaient dégoûtés par les pratiques du patron". Particulièrement sur le service après-vente. "Un animal qui tombe malade, ça arrive, mais quand il y a 500 euros de vétérinaire deux jours après la vente, il faut faire un geste, rembourser, et c'était niet", précise-t-il. 

Au café, les salariés se confiaient régulièrement sur "les 'méthodes lunaires', 'vol-au-vent' de Jean-Pierre, un coup là, un coup absent, un coup il paye à l'heure travaillée, un coup il paye pas du tout", poursuit le trentenaire en glissant un coup d'œil prudent au rideau de fer de l'animalerie adjacente. "En fait, on ne comprenait pas comment, avec sa gestion bizarre, il pouvait avoir toutes ces boutiques", finit-il par lâcher.

Entamée il y a plus de deux ans, après de nombreuses plaintes de particuliers ayant vu leurs animaux mourir quelques jours après l'achat, l'enquête comporte également un volet "travail dissimulé".

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