"Notre seul credo, c'est le dossier d'instruction"
Les victimes attendent que les négligences soient reconnues et les responsabilités, clairement établiesLes victimes attendent que les négligences soient reconnues et les responsabilités, clairement établies
Plus de sept ans après la catastrophe, c'est enfin l'heure du procès. Un rendez-vous que Frédéric Arrou, président de l'Association des sinistrés du 21 septembre, attend avec impatience.
Pour lui, toutes les leçons de la catastrophe n'ont pas été tirées. Il met en cause notamment la politique de prévention des risques.
Qu'attendez-vous du procès ?
La mise à plat de toutes les procédures qui ont négligées dans l'usine. Les consignes de sécurité n'ont pas été respectées. Il y avait par exemple, plusieurs tonnes de nitrate d'ammonium stockées dans le hangar 221, alors que les préconisations recommandent de petites quantités. Il n'y avait pas les outils pour contrôler la température... et bien d'autres choses. Il y a eu des négligences. Elles doivent être reconnues. Les responsabilités doivent être déterminées.
L'accident chimique, l'hypothèse privilégiée par l'instruction, est-elle aussi la vôtre ?
La thèse retenue est la bonne. 27 théories différentes ont été répertoriées dans le dossier d'instruction. Beaucoup ont été développées sur des fantasmes. Les autres hypothèses que l'accident chimique sont des pistes construites de toutes pièces par la défense de Total.
Quels sont les responsables ?
Ceux qui ont fait les choix industriels. Ceux qui ont pris des décisions selon des critères financiers, le recours généralisé à la sous-traitance, les approximations sur la sécurité. Si la branche chimie de Total avait pris les précautions nécessaires, il n'y aurait pas eu d'accident.
Y a-t-il des absents sur le banc des prévenus ?
L'usine AZF appartenait à Grande Paroisse qui est une filiale de Total. Peut-on imaginer que Grande Paroisse avait les mains libres ? Qu'elle décidait seule sans remonter au donneur d'ordre ?Nous ne le pensons pas. C'est pour cela que nous avons cité à comparaître la société Total. Si le tribunal ne donne pas suite, nous serons très déçus, très déçus si c'est une coquille vide qui doit répondre seule des faits. Celui qui exécute est responsable mais il y a aussi toute une chaîne de responsabilités.
Total était propriétaire d'AZF depuis un an et demi. Est-il le seul en cause ?
Dans l'année et demie précédant l'explosion, des choix ont été faits. Il y a eu des négligences. Les "carnets de bords" de l'époque le montrent. Le 20 septembre 2001, un rappel à l'ordre très vigoureux était consigné dans le carnet.
Y a-t-il d'autres responsables selon vous ?
L'Etat. L'Etat n'a pas fait sont travail de prévention et de contrôle. En octobre 2000, il a donné un avis favorable d'exploitation. Mais l'Etat ne répondra jamais de ses actes.
Quelle est votre réaction après la décision de la Cour de cassation permettant l'enregistrement vidéo du procès, une première en France devant un tribunal correctionnel ?
C'est une bonne chose. La dimension historique de ce procès est importante. C'est l'une des plus grandes catastrophes industrielles survenues en France.
Quel jugement espérez-vous ?
Que la condamnation soit assez signifiante pour qu'aucun industriel ne mégote plus jamais sur les questions de sécurité pour des logiques purement spéculatives. Total vient d'annoncer près de 14 milliards d'euros de bénéfices. C'est une bonne chose. Je me réjouis que les entreprises fassent des profits mais pas au détriment de la sécurité.
Quel est le climat ?
Le procès est attendu mais il va réactiver les blessures. Pour beaucoup, la plaie est irrémédiablement ouverte et ne se refermera pas. L'émotion sera à fleur de peau les premiers jours des audiences. Pour ma part, j'ai quelques inquiétudes. La vérité est faite. Tout est dans le dossier d'instruction. J'en souhaite une lecture sereine et apaisée. Regarder les faits rien que les faits... mais on s'attend à des remises en cause sur les expertises. Le climat est assez "explosif". J'ai ressenti de la haine de la part de ceux qui nous reprochent d'avoir fait fermer l'usine.
Avez-vous reçu des menaces ?
Oui. Verbales et anonymes, au téléphone. J'ai vu circuler des tracts. Il y a aussi des déclarations de "haine" dans la presse.
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