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IVG dans la Constitution : quelle est la portée juridique du terme "liberté de la femme" voté par le Sénat, au détriment de la notion de "droit" à l'avortement

Les sénateurs se sont mis d'accord pour inscrire le terme de "liberté de la femme de mettre fin à la grossesse" alors que le texte initial porté par la gauche mentionnait un "droit à l'interruption volontaire de grossesse".
Article rédigé par Joanna Yakin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Les résultats du vote pour la constitutionnalisation de "la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse" au Sénat, mercredi 1er février 2023. (LUDOVIC MARIN / AFP)

"Avancée majeure pour le droit des femmes", "victoire historique". Plusieurs élus de gauche se sont félicités mercredi 1er février après le vote du Sénat en faveur de l'inscription dans la Constitution de la "liberté" de recourir à l'IVG. Le texte a été adopté par 166 voix, malgré l'opposition de 152 sénateurs. Cette proposition de loi constitutionnelle des députés LFI, votée en première lecture fin novembre par l'Assemblée nationale avec le soutien de la majorité présidentielle, a pourtant été réécrite par la majorité sénatoriale de droite.

Droits et libertés sont protégés par la Constitution

La différence tient en un mot : les sénateurs ne parlent pas de "droit" à l'avortement, mais de "liberté". À l'origine, le texte porté par la gauche proposait d'inscrire cette phrase : "La loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'interruption volontaire de grossesse".  Mais cette formulation aurait été rejetée, assure le sénateur LR Philippe Bas, qui parle même d'un texte "mal rédigé". Il a donc proposé une réécriture avec l'ajout à l'article 34 de la Constitution de cette formule : "La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse". 

>>> La proposition de loi constitutionnelle des députés LFI, votée en première lecture fin novembre par l'Assemblée avec le soutien de la majorité présidentielle

Pour la gauche, le terme de "droit" est plus fort que celui de liberté. D'après un constitutionnaliste interrogé, c'est plutôt vrai si l'on se place d'un point de vue idéologique, philosophique et non pas juridique. En parlant de droit il y a derrière l'idée que l'on pourrait avoir une forme de revendication. Mais d'un point de vue purement constitutionnel, les spécialistes estiment que cela ne fait en réalité par vraiment de différence, justement parce que la Constitution ne fait pas vraiment de distinction entre les notions de liberté et de droit. Les deux sont fortement protégés. L'article 61-1 de la Constitution par exemple, celui qui prévoit la possibilité de soulever une QPC (question prioritaire de constitutionnalité), dit que le Conseil constitutionnel peut être saisi si une disposition législative porte atteinte aux "droits et libertés" que la Constitution garantit.

Un parcours législatif loin d'être terminé

Quoiqu'il en soit, le vote du Sénat mercredi n'est qu'une étape et le chemin jusqu'à l'inscription définitive dans la Constitution est encore long. Le parcours législatif n'est pas terminé. Après avoir été adoptée par le Sénat, la proposition de loi texte va revenir à l'Assemblée nationale pour être adoptée exactement dans les mêmes termes par les députés. C'est la troisième et dernière étape de la fameuse navette parlementaire. Deuxième étape importante : comme il s'agit d'une "proposition de révision" de la Constitution, le texte devra forcément être approuvé par référendum pour être définitivement adopté.

L'autre solution, c'est que le gouvernement reprenne la main et dépose cette fois un projet de révision. Cela permettrait d'éviter le recours au référendum à condition de réunir les 3/5e des suffrages du Congrès, c'est à dire de l'Assemblée nationale et du Sénat réunis.

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