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Famille, harcèlement : les raisons de la "souffrance psychologique" des ados

Une enquête de l'Unicef révèle le "grand malaise" des jeunes Français, dont près d'un tiers aurait déjà pensé au suicide. 

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Plus de 4 adolescents sur 10 sont en état de "souffrance psychologique", selon un rapport de l'Unicef rendu public le 23 septembre 2014. (VOISIN / PHANIE / AFP)

La détresse psychologique touche largement les jeunes Français. C'est la conclusion d'un rapport sur le malaise des adolescents, remis mardi 23 septembre à la secrétaire d'Etat à la famille, Laurence Rossignol, par la présidente d'Unicef France, Michèle Barzach. Selon cette agence des Nations unies, 36,8% des 12-14 ans et 43,3% des 15-18 ans sont atteints de souffrance psychologique en France. Plus alarmant, 28% des 12-18 ans ont déjà pensé au suicide et 11% ont tenté de passer à l'acte.

Cet indice global de "souffrance psychologique" a été établi par l'Unicef après une consultation nationale menée auprès de plus de 11 000 jeunes, principalement âgés de 12 à 18 ans, entre mars et mai 2014. L'indice prend en compte trois dimensions : un sentiment de tristesse ou de cafard, qui touche 4 adolescents sur 10 en moyenne, une phase d'apathie, qui concerne plus d'un quart des jeunes, et enfin une perte de confiance en soi, ressentie par 30% d'entre eux environ. 

Quelles sont les raisons de cette déprime des adolescents ?

Les tensions familiales

Cette deuxième consultation nationale de l'Unicef, intitulée "Ecoutons ce que les enfants ont à nous dire", explique en partie leur souffrance psychologique par la fragilité des liens familiaux. Plus de 46% des plus de 15 ans disent avoir des relations tendues avec leur mère et 47% avec leur père. Ce chiffre augmente dans les familles monoparentales, défavorisées ou vivant dans un quartier frappé par l'insécurité.

De nombreux jeunes se sentent en outre délaissés par leurs parents : 11% des enfants et adolescents estiment qu'ils ne peuvent pas compter sur leur père, alors que 4,2% ne peuvent pas compter sur leur mère. Un sentiment de manque de protection auquel s'ajoute parfois un manque de reconnaissance de la part des parents. Près de 17% des enfants et adolescents français ne se sentent pas valorisés par leur père et 9,7% par leur mère.

Selon l'Unicef, "il est possible d'envisager des liens directs" entre les problèmes dans le cadre familial et les conduites à risque des adolescents. L'étude indique ainsi que les jeunes ayant des relations tendues avec leurs parents ont un risque plus élevé de consommer de l'alcool ou de la drogue. Plus de 23% des adolescents français ont déjà fait l'expérience de l'état d'ivresse et 20% ont déjà pris de la drogue ou fumé du cannabis.

Les difficultés matérielles

Près de 16% des préadolescents et 24% des ados français ont fait l'expérience de la privation matérielle. Cette population est particulièrement exposée à la souffrance psychologique (46,7%), voire aux idées morbides (42,5%). Selon l'Unicef, les difficultés économiques vont en effet de pair avec des difficultés d'intégration sociale. "Ce phénomène de cumul des inégalités (...) a une forte probabilité d'être vécu par les enfants et les adolescents comme une souffrance", explique l'étude, qui souligne le lien entre la privation matérielle et le risque d'exclusion sociale.

L'impact négatif des difficultés financières sur le bien-être psychologique ne se limite donc pas aux adultes. "La situation de crise dans les sociétés européennes se ressent chez les adolescents, qui sont pris dans les angoisses des adultes, explique Catherine Dolto, psychothérapeute spécialiste de la santé psychoaffective et coauteure du rapport, à 20 Minutes. D’où un sentiment de malaise qui s’exprime plus fortement chez eux."

Le harcèlement à l'école ou sur les réseaux sociaux

L'Unicef fait état d'une forte proportion de jeunes ayant subi un harcèlement. Or, ce genre de pressions, parfois physiques, peut causer ou accentuer le sentiment de souffrance psychologique, voire déclencher des pensées suicidaires chez les adolescents. Près d'un tiers des répondants affirment qu'ils font l'objet de harcèlement ou sont ennuyés à l'école par d'autres jeunes. Un chiffre qui grimpe à 45,7% lorsqu'ils habitent dans un quartier "insécurisant", où ils ne se sentent pas en sécurité ou estiment que personne ne leur viendrait en aide en cas de danger.

Le rapport de l'Unicef tire en outre la sonnette d'alarme concernant le harcèlement sur les réseaux sociaux. Il touche 10% des 12-14 ans et 16,6% des 15-18 ans. "Les réseaux sociaux jouent un rôle important dans la vie de ces adolescents, à 90% inscrits sur ces sites, souligne le sociologue Serge Paugam, interrogé par France InfoMais il y a, sur ces réseaux (...), des formes de domination qui apparaissent, et les adolescents peuvent se sentir particulièrement en difficulté, menacés dans leur identité." Selon le rapport, les jeunes harcelés sur les réseaux sociaux ont 2,3 fois plus de risques de penser au suicide.

Les problèmes scolaires

Un contexte scolaire difficile peut être la source d'un malaise profond chez les adolescents. Plus de 8% d'entre eux se sentent en insécurité à l'école, à cause de harcèlement ou de discrimination. 23,7% des 12-14 ans et 18,9% des plus de 15 ans disent en outre avoir peur des adultes à l'école, un sentiment qui découle d'une "crainte des sanctions en cas de mauvais résultats scolaires ou en cas de manquement à la discipline".

Autre facteur de mal-être, la pression concernant les résultats scolaires. En effet, 44% des adolescents se disent angoissés à l'idée de ne pas assez bien réussir à l'école. Ce sentiment est souvent lié aux origines socio-économiques des jeunes et augmente chez ceux qui viennent d'un milieu défavorisé, ceux qui vivent dans une famille mono-parentale ou recomposée ou ceux qui habitent un quartier difficile. Les adolescents qui ressentent cette crainte ont 2,22 fois plus de risques de souffrir psychologiquement, selon l'Unicef. L'agence de l'ONU conclut que "l'école est donc trop souvent un lieu de tensions et de mal-être pour les enfants et les adolescents, en particulier les moins économiquement favorisés".

Le rapport préconise de "pousser la réflexion vers une multiplication des lieux d'écoute et une mise en place de formes d'accompagnement social plus denses et plus diversifiées", notamment en milieu scolaire, afin de prévenir le malaise des adolescents et des pré-adolescents.

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