Radicalisation religieuse : la circulaire qui embarrasse l’Education nationale
C’est un document Powerpoint (et donc destiné à être projeté en public) intitulé "Prévention de la radicalisation en milieu scolaire". Un texte supposé aider les chefs d’établissement du Poitou et leurs enseignants à repérer les élèves susceptibles de se radicaliser pour mieux réagir. Si le sujet est délicat, les auteurs du texte ne se sont pourtant pas embarrassés de subtilités. Comme par exemple sur les "critères à prendre en compte" : "la barbe longue non taillée (moustache rasée)", des "cheveux rasés", un "habillement musulman", le "refus du tatouage", ou une "perte de poids" (liée à des jeûnes fréquents) y sont évoqués comme autant de motifs de suspicion.
"Exposition sélective aux médias" et "rhétorique politique"
Certains critères évoqués dans la circulaire apparaissent par ailleurs comme assez ambigus : le "repli identitaire", mais aussi "l’exposition sélective aux médias" ou le développement par l’élève d’une "rhétorique politique" sur des sujets tels que la Palestine, la Tchétchénie ou l’Irak. Le texte invite aussi à la méfiance envers les élèves s’intéressant de trop près aux débuts de l’Islam.
Selon le site Médiapart le document serait l’œuvre de l’équipe mobile de sécurité de l’académie (EMS). Ces équipes composées de spécialistes de l’éducation mais aussi d’anciens gendarmes ou policiers ont été créées sous Nicolas Sarkozy en 2009 dans le cadre d’un plan de sécurisation des milieux scolaires.
"Il faut des clarifications pour savoir comment ce texte a pu être écrit"
Destinée initialement aux chefs d’établissement, cette étrange circulaire n’est pas du goût des enseignants. "L'école a son rôle à jouer pour prévenir les dérives sectaires chez les jeunes. Mais cela passe par le raisonnement, l'analyse des propos qu'ils peuvent entendre ou lire; pas par ce genre de stigmatisation simpliste" explique Magali Espinasse, du syndicat enseignant SNES Poitiers. Celle-ci s’interroge aussi sur l’origine du document : "Il faut des clarifications pour savoir comment ce document a pu être écrit et diffusé sans qu'il y ait de regard qui arrête la démarche."
Paul Raoult, président de la FCPE, regrette lui aussi cette liste de "critères de radicalisation" : "Il manque dans ce texte, le fait de préciser qu’il s’agit de jeunes en construction qu’il faut accompagner plutôt que stigmatiser".
Interrogée sur France 3, la ministre de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem a évoqué des extraits sortis de leur contexte et un document "sans doute perfectible" .
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