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Pourquoi pister vos enfants avec des objets connectés n'est pas une bonne idée

Alors qu'un manteau équipé d'une balise GPS est commercialisé pour la première fois en France mercredi, francetv info a demandé l'avis de pédopsychiatres sur ces nouveaux dispositifs de géolocalisation.

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Grâce à un manteau équipé d'une balise GPS, les parents ont la possibilité de suivre en temps réel les déplacements de leur enfant.  (MAXPPP)

Balise GPS intégrée dans le manteau pour suivre ses déplacements, applications sur votre smartphone pour contrôler le sien, ou encore chaussette intelligente pour connaître en temps réel son pouls ou sa température. Les objets connectés pour pister votre progéniture fleurissent, mais est-ce une bonne nouvelle ? Francetv info a posé la question à des pédopsychiatres. Leurs conclusions sont sans appel : ces gadgets sont mauvais pour l'épanouissement de votre enfant, ainsi que pour votre niveau de stress. Voici ce qu'ils leur reprochent.

Parce que cela brise la confiance parents-enfant

"Tu mens ! Je sais que tu n'es pas rentré directement de l'école, je l'ai vu sur mon téléphone !" Voilà comment briser l'une des notions essentielles de la relation entre les parents et leur enfant : la confiance. Plutôt que de croire l'enfant, on préfère se fier à une balise GPS intégrée dans son manteau. Ce nouveau produit, commercialisé à partir du mercredi 17 septembre, permet ainsi de suivre à distance ses déplacements. C'est pourtant grâce à cette relation de confiance qu'en grandissant, "l'enfant accepte de renoncer à sa toute-puissance d'enfant et accepte de s'humaniser pour que ses parents soient fiers de lui, explique Daniel Rousseau pédopsychiatre à Angers (Maine-et-Loire). Et le procédé qui consiste à le pister est en complet porte-à-faux avec ce principe."

Un avis partagé par la pédopsychiatre parisienne Angélique Kosinski-Cimelière. D'autant que selon elle, pister son enfant entraînera forcément l'effet inverse. "Il ne faut pas être naïf : un enfant qui veut transgresser ces nouvelles règles trouvera toujours un moyen, comme par exemple passer son manteau à un camarade."

Parce que cela bride le développement de l'enfant

"Les enfants ne sont pas des tamagotchi [des animaux virtuels]", s'insurge Daniel Rousseau, "quel que soit son âge, il n'est pas la 'chose' de ses parents". Pour le pédopsychiatre, suivre les faits et gestes de l'enfant de cette manière revient à brider le développement de son autonomie, de son intelligence et de sa liberté de penser. Comment, dans ces conditions, peut-il être amené à prendre des initiatives ? "On pourrait croire que cela ne concerne que les adolescents, mais c'est aussi grave pour les plus jeunes, car on les conforte et on les habitue à croire qu'il est normal d'être ainsi surveillé."

Plutôt que de bloquer arbitrairement l'enfant, mieux vaut "dialoguer et expliquer pourquoi ces règles existent pour qu'il les comprenne", conseille Angélique Kosinski-Cimelière. Le manque de dialogue l'inquiète également : "A quoi bon lui demander ce qu'il a fait après l'école s'il suffit de consulter un téléphone pour le savoir ?" 

Parce que cela angoisse les parents

"Comment empêcher une mère de consulter à tout moment son téléphone pour s'assurer que son enfant est bien à l'école ou à la maison ?" s'interroge également Angélique Kosinski-Cimelière. Si la pédopsychiatre comprend l'angoisse des parents qui pourraient investir dans ces objets, ce phénomène est pour elle "surdimensionné", notamment dans le cas de la chaussette donnant en temps réel les constantes vitales du nourrisson. "Si l'enfant à un problème, il pleure. Avec ce dispositif, on devance ses demandes et on l'empêche de s'exprimer, et d'apprivoiser la notion de frustration, elle aussi essentielle dans son développement." Le gadget pourrait ainsi bloquer les premiers éléments de communication entre les nouveaux parents et leur enfant.

Destinés à rassurer les parents (notamment en cas de kidnapping de l'enfant), ces objets risquent de provoquer l'effet inverse, selon ces professionnels. "C'est une supercherie intellectuelle", pour Daniel Rousseau. Sous prétexte de le protéger des dangers de la vie courante, "on alimente leur stress".

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