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Vidéo "C'est une injustice terrible" : des lycéens sans-papiers passent le bac en craignant l'expulsion

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Durée de la vidéo : 4 min
Lycéen et sans-papiers : des études en sursis
Lycéen et sans-papiers : des études en sursis Lycéen et sans-papiers : des études en sursis
Article rédigé par Valentine Pasquesoone - Mathilde Hérard
France Télévisions

Des professeurs du lycée Jacques-Feyder, à Épinay-sur-Seine, se mobilisent pour garantir l'accès à l'université et le maintien en France de deux élèves sans-papiers. Franceinfo les a rencontrés.

Jules* devrait terminer son année sur une bonne note. Cet élève de terminale, interrogé vendredi 8 juin par franceinfo, a obtenu une réponse favorable à chacun de ses vœux émis sur Parcoursup, assure-t-il. Pourtant, impossible pour lui de s'inscrire dans les licences en sciences de l'ingénieur qu'il rêve d'intégrer. Jules, aussi bon élève soit-il, est sans-papiers.

Ce jeune homme de 20 ans et une autre élève du lycée Jacques-Feyder d'Épinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) se sont vu récemment refuser une demande de régularisation à la préfecture du département, selon leurs enseignants et le Réseau éducation sans frontières (RESF). A quelques jours du baccalauréat, ils risquent de voir les portes de l'enseignement supérieur se refermer à cause de leur statut – et ce malgré un parcours sans faille depuis la seconde au sein de l'établissement.

"On m'a dit de repartir en Algérie" 

Né en Algérie, Jules est arrivé en France il y a quatre ans avec sa mère, sa sœur et son petit frère, afin de rejoindre son père arrivé deux ans plus tôt. Son père est en situation régulière et la régularisation de sa sœur est en cours, selon RESF, mais le lycéen reste dans l'attente – et la crainte d'une expulsion du territoire.

Jules assure avoir eu un rendez-vous à la préfecture de Seine-Saint-Denis début juin. Il raconte que si sa demande de régularisation lui a été refusée, c'est parce que son dossier n'entre pas dans les critères requis par les autorités. Comme l'explique Le Monde, il devait arriver avant l'âge de 16 ans, et compter trois ans de scolarité en France avant ses 18 ans, pour que sa demande puisse être prise en compte.

À la préfecture, "on m'a dit de repartir en Algérie afin d'obtenir un visa étudiant sur place", relate d'une voix calme le jeune homme. "Ce n'est pas faisable. Ma famille est ici, je ne peux pas y retourner. Et si j'y allais, je devrais faire mon service militaire pendant deux ans", s'inquiète-t-il. Il assure également que la personne l'ayant reçu lui a également conseillé de chercher un travail, ou de se marier pour tenter de rester en France. 

Je ne veux pas travailler, ni me marier car je veux vraiment aller au bout de mon rêve, qui est de devenir ingénieur en aéronautique.

Jules

à franceinfo

"C'est une injustice terrible"

La demande de régularisation de sa camarade a, elle aussi, été rejetée du fait de son âge, explique à franceinfo Gérald Ascargorta, militant de RESF ayant accompagné les deux jeunes à la préfecture. Âgée de 20 ans, elle aussi, cette jeune femme originaire du Congo est arrivée en France en 2015, explique Steve Larranaga, son professeur principal.

"Elle s'est inscrite tout de suite au lycée. (...) Elle a suivi son parcours de manière honorable", insiste-t-il. Selon cet enseignant en sciences médico-sociales, la demande de regroupement familial de son père n'a reçu "aucune réponse". Dans l'attente d'un titre de séjour, la lycéenne n'a pas pu passer les concours d'écoles d'infirmière qu'elle visait.

Face à cette situation, une quarantaine d'enseignants du lycée Jacques-Feyder ont décidé de se mobiliser. Après une première réunion, mardi 5 juin, ils ont organisé un rassemblement devant l'établissement jeudi. Ces professeurs espèrent ainsi interpeller la préfecture, et s'assurer que ces élèves seront régularisés avant la rentrée universitaire.  

Des catégories administratives viennent briser des vies et des parcours de vie. C’est une injustice terrible de leur avoir permis d’arriver jusqu’ici et de leur dire 'voilà, maintenant c’est terminé, ça s’arrête là, au revoir'.

Julie, prof au lycée Jacques-Feyder

à franceinfo

"Il peut très bien se faire contrôler"

Après le baccalauréat, RESF entend avoir recours au référé-liberté – un dispositif visant à défendre une liberté fondamentale – pour faire avancer leurs dossiers, précise à franceinfo Gérald Ascargorta. Jeudi 7 juin, les enseignants comptaient également rédiger une lettre ouverte pour défendre l'accès à l'université de ces jeunes.

Mais en attendant une éventuelle réaction de la part des autorités, l'inquiétude monte. Raphaël Delarge, qui a eu Jules en cours en seconde, s'inquiète des menaces pesant sur son ancien élève. "Il peut très bien se faire contrôler dans la rue et se retrouver au commissariat", puis "avoir une notification d’obligation de quitter le territoire français (OQTF), être placé en centre de rétention et être renvoyé", prévient-il. "C'est une possibilité." 

* Le prénom a été modifié. 

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