Raccourcir le délai pour résilier sa mutuelle, une fausse bonne idée ?
Les députés examinent le texte de loi pour permettre la résiliation des complémentaires santé "sans frais et à tout moment", après un an de contrat. La mesure, plébiscitée par les consommateurs, est accueillie froidement par les assureurs.
Malgré les critiques, y compris dans la majorité, la proposition de loi LREM pour permettre la résiliation des complémentaires santé "sans frais et à tout moment", après un an de contrat, a finalement emporté mercredi 27 mars le feu vert des députés en commission. Actuellement, les contrats ou garanties souscrits ne sont résiliables qu'autour de leur date anniversaire. Si les Français sont favorables dans les sondages à la mesure, les fédérations de complémentaires, elles, critiquent une fausse bonne idée. Pourquoi la mesure divise-t-elle autant ? Mathieu Escot, responsable des études de l'UFC-Que Choisir, et Thierry Beaudet, président de la Mutualité française, opposent leurs arguments sur franceinfo.
Les tarifs des complémentaires ne vont-ils pas augmenter ?
"On ne voit pas très bien quel serait le lien entre le fait que les consommateurs retrouvent leur liberté de changer d'assurance santé quand ils le souhaitent et les tarifs des professionnels de santé", soutient Mathieu Escot. Pour le responsable des études de l'UFC-Que Choisir, la mesure permettrait même un gain de quelque 20 milliards d’euros de pouvoir potentiel d’achat pour les Français. "Ces dix dernières années, rétorque Thierry Beaudet, les dépenses de santé et les taxes ont fortement augmenté. Si on veut diminuer ou maîtriser le coût des cotisations des mutuelles, arrêtons de transférer des dépenses supplémentaires vers les mutuelles." Sur les craintes que les frais de gestion explosent, soulevées par les mutualistes, Mathieu Escot estime qu'au contraire la concurrence nouvelle forcera tous les opérateurs à mieux maîtriser leur niveau de frais, et donc favoriser une baisse des primes.
N’est-ce pas favoriser le nomadisme assuranciel ?
Pour Thierry Beaudet, la mesure favorisera le nomadisme assuranciel, du fait de la facilité nouvelle accordée aux assurés, qui pourraient y voir ponctuellement un effet d'aubaine. Mathieu Escot, lui, estime que la crainte que les assurés aillent prendre une complémentaire santé uniquement au moment d'avoir des soins coûteux pour être bien remboursés relève de la croyance infondée. "Dans le texte de loi qui va être examiné aujourd'hui, explique-t-il, il y a toujours une période d'engagement d'un an au moment de la souscription. Vous ne pourrez pas souscrire le 1er juillet une assurance pour vous refaire faire toutes les dents le 2 juillet puis résilier le 3 juillet après avoir été remboursé."
N'est-ce pas favoriser une logique uniquement consumériste ?
Avec un délai raccourci de résiliation réduit à sa portion congrue et donc une liberté d'aller et venir pour l'assuré d'une mutuelle à l'autre, Thierry Beaudet redoute que les plus avertis d'entre eux s'en emparent dans une logique uniquement consumériste, pour rechercher un avantage immédiat. "Nous redoutons, craint le président de la Mutualité française, que cela se fasse au détriment des personnes, des assurés les plus fragiles qui eux sont souvent les moins mobiles." "Les mutuelles sont des acteurs du temps long, poursuit Thierry Beaudet. Quand vous voulez mener des actions de prévention ou que vous voulez développer de l'action sociale, cela suppose du temps. La santé n'est pas une marchandise comme une autre et a besoin de plus de solidarité que plus de concurrence."
Pour Mathieu Escot, au contraire, cette faculté nouvelle accordée à l'assuré permettra de rendre lisible l'offre, pléthorique, et en améliorer la comparabilité. Le responsable des études de l'UFC-Que Choisir cite en exemple les consommateurs plus âgés, aux revenus modestes, qui ont parfois sans le savoir deux couvertures santé et ne sont toutefois pas remboursés deux fois et assure que la loi nouvelle permettra de mettre un terme à ces mauvaises pratiques.
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