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Rapport des sapeurs-pompiers sur la gestion de la crise du Covid-19 : "Quand on joue seul, quand on ne joue pas collectif, ça ne marche pas"

Hugues Deregnaucourt, vice-président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, réagit sur franceinfo à la remise par la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France d'un rapport accablant au ministère de l'Intérieur sur la gestion de la crise sanitaire liée au Covid-19.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Hugues Deregnaucourt, le 4 février 2017. (LAURENT THEVENOT / MAXPPP)

"Quand on joue seul, quand on ne joue pas collectif, ça ne marche pas", déclare dimanche sur franceinfo Hugues Deregnaucourt, vice-président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), alors que la Fédération doit remettre un rapport accablant de 18 pages au ministère de l'Intérieur sur la gestion de la crise sanitaire liée au Covid-19. Sur franceinfo, Frédéric Valletoux, président de la Fédération Hospitalière de France, dit qu'il existe depuis toujours une guerre entre le 15 et le 18, entre le Samu et les pompiers pour prendre la main sur les appels d'urgence.

franceinfo : Est-ce ce qui a motivé ce rapport ?

Hugues Deregnaucourt : On est au-delà de ces schémas partisans. On est d'abord pour la population, pour la victime. On oeuvre tous ensemble. Ce n'est pas un problème de personnes, c'est un problème d'organisation. Quand vous confiez une crise qui sera multi-services, multi-ministères, qui a des répercussions sur tout le territoire, il faut avoir une vision globale. Aujourd'hui, il y a des plans qui existent, on n'a pas su tirer les enseignements de la grippe H1-N1. On a confié à un ministère seulement, au début, la gestion de crise, alors qu'on a le ministère de l'Intérieur qui est préparé pour ça. Ou alors il faut le ramener au-dessus du ministère de l'Intérieur et de la Santé, au-dessus du 15 et du 18, il faut quelque chose qui soit inter-services. Quand on joue seul, quand on ne joue pas collectif, ça ne marche pas.

Vous avez proposé vos services pendant la crise et vous considérez que vous n'avez pas été entendus ?

Les sapeurs-pompiers comme d'autres acteurs locaux : les préfectures ont été aveugles très longtemps, on n'a pas eu d'information. On fait le focus par rapport au Samu, mais les personnels soignants dans les hôpitaux, les personnels dans les Samu, ont fait un travail remarquable. Simplement, des consignes ont été données pour qu'on travaille chacun dans son ministère. On avait des colonnes de renforts prêtes à évacuer des patients atteints du Covid dans le Grand-Est, on a eu des hélicoptères, armés par des médecins sapeurs-pompiers, à qui on a dit de ne pas transporter. On a des cliniques privées qui n'ont pas été utilisées. On n'est pas à charge sur telle ou telle personne, on s'interroge. Enfin, le président de la République l'avait dit, il nous faut un numéro unique, le 112. Il ne faut pas avoir fait de grandes études pour comprendre que quand on fait tout acheminer par un numéro, le 15, vous avez des délais d'attente énormes. Alors vous faites un 112 comme d'autres pays européens, comme on le promeut au niveau de la FNSP. On fait un numéro unique, on dispatche au bout de 30 secondes selon ce qui est urgent et pas urgent, et après on revient à ce qu'on appelle le 116-117, ce que réclament les médecins libéraux.

Vous critiquez aussi les trains médicalisés qui ont permis d'envoyer des patients dans un état grave vers des hôpitaux de régions moins saturées ? Pourquoi parlez-vous d'un 'coup de com' ?

Les sapeurs-pompiers ont transporté à peu près 100 000 personnes atteintes du Covid, près de la moitié [des malades du Covid]. On nous a demandé de préparer des colonnes de renfort et elles n'ont pas été utilisées. Il ne m'appartient pas de discuter le choix du médecin, mais je dis juste que par rapport à tout ce qu'on pouvait faire, tout ce qu'on a fait... comme par hasard on n'a pas été sollicités, pas employés. On gagnerait à jouer collectif et non pas comme on l'a fait, service par service.

Que répondez-vous au président du syndicat Samu - Urgences de France, qui déclare dans les colonnes du Parisien ce dimanche qu'on ne vous dit pas "comment éteindre les flammes à Notre-Dame", en clair chacun son travail ?

Je réponds que les sapeurs-pompiers de France étaient les soldats du feu. Aujourd'hui, je dirais qu'on est les soldats de la vie : 80% de notre activité est tournée vers le secours à la personne et l'assistance. Si on n'a pas notre mot à dire, et qu'on peut se passer de 80% d'une activité, je trouve ça plutôt dommage. Et quelque part, c'est très condescendant.

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