Pollution aux polluants éternels : des responsables européens contaminés

A la demande de plusieurs ONG, onze responsables politiques européens ont accepté de faire tester leur sang. Le résultat est sans appel : leurs corps présentent des traces de PFAS, parfois à des niveaux inquiétants.
Article rédigé par Julie Pietri
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
La façade du Parlement européen à Bruxelles, le 17 décembre 2022. (JEAN-MARC QUINET / MAXPPP)

"Les scientifiques ne cessent de nous dire que cette pollution est partout. Personne n'est immunisé." C'est pour créer un électrochoc que le Bureau européen de l'environnement (BEE), réseau d'ONG européennes, et ChemSec ont décidé de tester des députés européens, des vice-présidents de la Commission européenne ou encore la directrice exécutive de l'Agence européenne pour l'environnement.

"Nous avons été choqués d'apprendre que les bébés, avant même leur naissance, sont 'pollués', explique Tatiana Santos, en charge du dossier "produits chimiques" au BEE. On a pensé, 'OK, ça veut dire que même les hauts responsables politiques doivent être contaminés'. Nous voulions qu'ils soient confrontés à la réalité : ils sont aussi des victimes. Ils ont aussi des concentrations de PFAS dans leurs corps. On a pensé que s'ils avaient conscience que c'était aussi leur problème, ils seraient plus actifs".

"Est-ce que je dois m'inquiéter ?"

Si certains politiques ont accepté avec enthousiasme, d'autres ont refusé. Au final, onze personnes ont été testées, originaires de différents pays européens. Sur les treize PFAS contrôlés, sept ont été retrouvés dans le sang des politiques, comme par exemple le PFOA, classé "cancérogène pour les humains" par le Centre international de recherche sur le cancer, et interdit en Europe depuis 2020.

Selon les conclusions des ONG, "dans certains cas, les niveaux d'exposition dépassaient les seuils de sécurité existants" alors que "les PFAS sont liés à une série de problèmes de santé graves, notamment le cancer, l’infertilité, les malformations congénitales et les perturbations du système immunitaire."

Quand les responsables politiques ont reçu leurs résultats, la réaction a souvent été la même. "Ils nous ont demandé de les guider, de les aider à interpréter ce qu'ils voyaient",raconte Tatiana Santos. "Est-ce que ça veut dire que je vais être malade ? Est-ce que je dois m'inquiéter ? Qu'est-ce que je peux faire pour me protéger de ces substances chimiques ? Ces questions ont été assez fréquentes : forcément, ça touche leur propre corps. Mais nous, nous leur avons demandé : pouvez-vous nous dire ce que vous pouvez faire pour protéger les citoyens européens ? Parce que ce ne sont pas des cas isolés. Il n'y a pas de frontières aux pollutions aux PFAS. C'est un problème de santé publique".

Contribuer à la prise de conscience

Sur le site du Bureau européen de l'environnement, certaines déclarations des responsables européens ont été notées. "Sept des treize PFAS analysés ont été retrouvés dans mon sang, explique Margrethe Vestager, vice-présidente de la Commission européenne, commissaire en charge de la Concurrence. Les PFAS peuvent être trouvés dans notre eau, nos emballages alimentaires, nos crèmes pour le visage… J'ai fait ce test parce que je voulais contribuer à faire prendre conscience de ce simple fait : le remplacement complet des PFAS peut encore prendre un certain temps, mais c'est la bonne voie à suivre".

Frans Timmermans, ancien vice-président de la commission en charge du Pacte vert européen est également cité : "Nous appelons l'Europe à interdire totalement l'utilisation de ces produits chimiques". Un projet de restriction globale des PFAS est d'ailleurs étudié pour 2026.

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