À quoi ressemble "Mentalo", cette appli qui veut évaluer le "bien-être mental" des jeunes Français ?

Article rédigé par Camille Laurent
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Une vaste étude sur la santé mentale des jeunes de 11 à 24 ans est lancée lundi 20 mai pour trouver des solutions face à cette "épidémie silencieuse". (JACOB KHRIST / PROJET MENTALO)
L'Inserm lance lundi la première étude nationale en ligne sur le bien-être mental des 11-24 ans.

À la fois étude scientifique et application à destination des jeunes, le projet "Mentalo" est lancé lundi 20 mai. Cette vaste enquête autour de la santé mentale des 11-24 ans est menée par les chercheurs de l'Inserm et de l'Université de Paris Cité. Son objectif est de faire avancer la recherche autour de la santé mentale des jeunes de manière ludique. Car les spécialistes sont confrontés à un paradoxe : d'un côté le bien-être mental des enfants et adolescents se dégrade, en particulier depuis le Covid, mais de l'autre, de solides données scientifiques manquent. 

L'application Mentalo veut encourager les jeunes de 11 à 24 ans à participer à une vaste étude sur leur bien-être mental.
L'application Mentalo veut encourager les jeunes de 11 à 24 ans à participer à une vaste étude sur leur bien-être mental. L'application Mentalo veut encourager les jeunes de 11 à 24 ans à participer à une vaste étude sur leur bien-être mental. (PROJET MENTALO)

L'étude "Mentalo" se décline en une application du même nom. Et les chercheurs espèrent voir 50 000 jeunes de 11 à 24 ans s'y inscrire pour répondre à une série de questions posées à huit reprises au cours d'une année. À l'arrivée, les données collectées vont permettre de réaliser une photographie de la santé mentale des jeunes afin de développer des programmes de prévention numériques adaptés.

Recherche participative avec et pour les jeunes

Poser des questions via une application permet d'inclure le plus grand nombre, à la différence d'une étude scientifique "classique", souligne la professeure Karine Chevreul, directrice de recherche à l'Inserm qui porte le projet. Entourée d'autres professionnels, comme le pédopsychiatre Richard Delorme, elle veut réussir à cerner l'hétérogénéité de la santé mentale des 11-24 ans : "Ce qui va les affecter pour certains et pas d'autres et comment certains ont un bien-être mental qui va être plus labile quand d'autres vont être beaucoup plus stables." 

"Mentalo va permettre d'évaluer le niveau de bien-être mental des jeunes, ce qui les rend plus forts, ce qui les rend plus vulnérables."

Karine Chevreul, directrice de recherche à l'Inserm

à franceinfo

Quelque 300 jeunes de 11 à 24 ans, collégiens, lycéens, étudiants ou jeunes actifs ont aidé les scientifiques à élaborer les questionnaires. Sans eux, "honnêtement, depuis le début, je pense qu'on se serait trompé", assure Karine Chevreul qui rappelle avoir commencer par faire la revue de la littérature et avoir vu des spécialistes afin de bâtir l'étude. Mais il fallait aussi parler au public cible, "la façon de poser la question, ça va faire qu'on se sent compris et on s'identifie. Donc, on va répondre sincèrement et correctement et c'est vraiment ce qu'on voulait."

Travailler avec des jeunes a aussi permis de faire émerger des questions auxquelles les chercheurs n'avaient pas pensé : "Par exemple, des questions sur le sommeil, et on a aussi ajouté des questions comme 'qu'est-ce qui te rend mal ?','qu'est ce qui te rend triste ?' ou 'qu'est ce qui te rend heureux ?'", énumère Karine Chevreul. Autant de questions reformulées et ajoutées, "et ça, c'est de la vraie construction, ce n’est pas seulement de la traduction", se réjouit la chercheuse.

Lever le voile sur le tabou de la santé mentale des plus jeunes

L'étude "Mentalo" préfère évoquer le "bien-être mental" des jeunes plutôt que leur "santé mentale". "Pour nous, c'est plus global, explique Karine Chevreul, la santé, c'est toujours soit on va bien, soit on est malade. Le bien-être mental, c'est beaucoup plus large, c'est-à-dire qu'on peut ne pas être malade, mais ne pas être au mieux de sa forme, ne pas se sentir heureux... Et c'est vraiment ça qu'on veut englober." 

"Beaucoup de gens ont une vision très négative de la santé mentale, alors qu'en fait, c'est quelque chose qui est essentiel à nos vies."

Karine Chevreul, de l'Inserm

à franceinfo

L'application "Mentalo" est "ultra-confidentielle et sécurisée" assurent ses développeurs. "Ça permet [aux jeunes] de rester anonyme, de répondre calmement dans l'intimité, sans qu'ils soient heurtés par certaines questions, souligne Karine Chevreul. Ce qu'on veut, c'est le plus de sincérité possible pour avoir les résultats qui seront le plus proches de la réalité et développer les programmes les plus pertinents possibles."

Pousser le plus de jeunes à participer

C'est aussi pour "essayer de casser un peu ce tabou autour du bien-être mental" que Pierre-Adams s'est engagé en tant que jeune ambassadeur dans le projet Mentalo. Pour cet étudiant de 24 ans, "la dégradation du bien-être mental des jeunes, c'est quelque chose qui est alarmant. Et moi, au quotidien, je le vis avec des amis à cause de plusieurs pressions, au niveau de la vie personnelle ou au niveau scolaire."

"Il y a un mal-être qui grandit."

Pierre-Adams, jeune ambassadeur Mentalo

à franceinfo

 

"Oui, on est directement concernés", abonde Hélène, 23 ans et jeune active qui s'est impliquée pour pousser "énormément de jeunes à participer à l'étude". "La santé mentale, c'est un sujet qui peut toucher tout le monde parce qu'on a très probablement un proche, un ami, quelqu'un dans notre entourage qui est concerné, rebondit Pierre-Adams. Et on peut aussi ne pas se rendre compte qu'on est affecté par des difficultés mentales. Donc je pense qu'il faut simplement que les gens participent au projet, se posent des questions, peut-être qu'ils se rendront compte de leur état, et, en tout cas, ils pourront contribuer à l'avancement des connaissances."

Les jeunes ambassadeurs de l'étude Mentalo s'engagent pour pousser leurs pairs à participer. De gauche à droite : Élias, Océane, Lucrèce, Pierre-Adams et Hélène. (JACOB KHRIST / HANS LUCAS)

"Ludification"

Ces jeunes ambassadeurs pensent que l'application va trouver son public. "C'est plaisant, il y a un vrai effort sur l'esthétique, ainsi que sur le temps passé, parce qu'on aurait pu bombarder [les participants] de questions, ce qui aurait pris plusieurs heures à chaque fois. Là, ils ont essayé d'être dans le minimalisme et de viser l'efficacité", salue Pierre-Adams.

Et le questionnaire s'appuie aussi sur la "ludification" pour fidéliser son jeune public : "C'est l'utilisation de certains éléments des jeux vidéo pour essayer de motiver les personnes et surtout essayer de garder leur attention", démystifie l'étudiant. Répondre aux questionnaires nécessaires, au nombre de huit sur une période d'un an, permet notamment de gagner des cadeaux en guise de remerciement, comme des accès à des événements culturels ou sportifs. Plusieurs athlètes, comme Laura Flessel, ancienne escrimeuse, soutiennent d'ailleurs la démarche "Mentalo".

L'inscription est possible jusqu'à la fin du mois de mai 2025, tandis que l'enquête prendra fin en 2026. Mais des résultats et des solutions seront "dévoilés au fil de l'eau", promettent les chercheurs. Une application parallèle est en train d'être développée afin de proposer des solutions pérennes identifiées grâce à Mentalo. "MentalPlus" sera lancée début 2025.

L'étude Mentalo repose sur la recherche participative et, par son ambition quantitative - à hauteur de 50 000 répondants - et sa durée, elle constitue une première mondiale. (CAPTURE D'ÉCRAN / PROJET MENTALO)

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