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Drogue, alcool, tabac : que faire face aux addictions de votre ado ?

La Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie envisage d'ouvrir une ligne téléphonique pour parents désemparés. En attendant, l'addictologue Jean-Pierre Couteron leur prodigue quelques conseils.

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La France compte 400 centres de Consultations jeunes consommateurs, spécialisés dans les addictions mais encore méconnus du grand public.  (RACKAM / SIPA)

"Les jeunes consomment de plus en plus jeunes tabac, alcool, cannabis, drogues de synthèse." C'est le constat de Danièle Jourdain-Menninger, présidente de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), qui a lancé lundi 27 janvier son plan d'action. La MILDT envisage notamment d'ouvrir une ligne téléphonique dédiée aux parents désemparés. En attendant, Jean-Pierre Couteron, psychologue clinicien et président de la fédération Addiction, leur prodigue quelques conseils. 

L'autoriser à se rendre à des fêtes seul en fin de collège, pas avant 

C'est entre la sixième et la troisième que les adolescents prennent petit à petit leur autonomie. Les parents doivent donc être particulièrement vigilants pendant ces années collège. "Ils vont régler leur rapport au sommeil, à l'alimentation et aux 'produits'", tels que le tabac, l'alcool et les drogues, explique Jean-Pierre Couteron. "Avec les écrans et la vie sociale, ils dorment moins, bataillent sur les sorties et les heures de retour et commencent à consommer des sodas et de l'alimentation sucrée", précise-t-il.

Les fêtes constituent le point d'orgue de cette prise d'autonomie. En classe de 6e, les jeunes veulent que leur père et leur mère organisent une fête à la maison et en seconde, ils demandent à passer leur soirée à l'extérieur, explique le psychologue. "Il faut être vigilant dans le passage de l'un à l'autre", prévient le spécialiste. Il est essentiel d'accompagner son enfant dans cette expérimentation, la fête étant généralement le lieu où l'on découvre la cigarette, l'alcool et éventuellement les drogues. "Les grands processus d'initiation, ils les font entre eux", relève l'addictologue.  

Il faut donc y aller progressivement, étape par étape, en fixant des règles et en les assouplissant au fur et à mesure (choix du lieu de la fête, contrôle des horaires, etc.) "En fin de collège, on peut commencer à autoriser des sorties seul. Pas avant", estime Jean-Pierre Couteron.

Proscrire toute consommation d'alcool avant 15 ans

15 ans, c'est le seuil minimal à respecter, selon le psychologue, ne serait-ce que pour des questions de "maturation du cerveau", souligne-t-il. "A partir de cet âge, on peut commencer doucement à assouplir sa position", prône-t-il. Et faire la différence, bien sûr, entre l'ivresse et le coma éthylique. "Si en rentrant d'une fête, votre ado est un peu alcoolisé mais a respecté vos conditions, vous pouvez passer", indique Jean-Pierre Couteron. "S'il rentre en titubant, vous pouvez le lui faire remarquer, sans l'enguirlander sur le coup, et lui en reparler le lendemain." En revanche, "si toutes les sorties sont alcoolisées, même peu, il faut commencer à allumer les warnings", signale le spécialiste, qui reçoit en consultation des jeunes depuis trente ans.

Comment l'avertir avant que les choses ne dérapent ? Et ce, sans passer pour un ringard ? "Ce qui est ringard, c'est de tout lui interdire sur ce plan-là", estime Jean-Pierre Couteron. "Tant que l'interdit a une fonction de protection, l'ado peut le comprendre", poursuit-il. En matière d'alcool, il faut rappeler la loi : un mineur n'a pas le droit d'en acheter. Malgré tout, "vous pouvez lui dire que si la soirée dérape, il vous appelle et vous venez le chercher discrètement. Vous pouvez lui expliquer que la fuite et l'évitement ne sont pas une honte mais un bon réflexe", indique l'addictologue. 

Avec le tabac, "il faut être très sévère. Là aussi, rappelez la loi – la vente de tabac est interdite aux mineurs – et la règle : il est interdit de fumer à la maison", préconise l'expert. "Dites-lui que c'est une bêtise, que ça procure assez peu d'effet et que cela rend très vite dépendant." Idem pour le cannabis. "Si vous trouvez de l'herbe ou une boulette de shit dans sa chambre, commencez par lui rappeler que c'est un peu jeune pour fumer cela, que c'est illégal et qu'il risque d'avoir des problèmes", suggère Jean-Pierre Couteron.

L'envoyer vers un spécialiste si des signes vous alertent 

Le fait de trouver du cannabis caché dans la chambre d'un ado ou de trouver qu'il sent souvent la cigarette peut suffire à déstabiliser un parent et à l'inquiéter. Apprendre qu'il a fait un coma éthylique à la suite d'un "binge drinking" (alcoolisation massive et express) davantage encore. Plusieurs signes peuvent alerter : les yeux rouges, l'absentéisme, le décrochage scolaire, la fatigue, le changement de cercle d'amis, l'arrêt de certains loisirs, du sport... "Il faut agir dès les premières expérimentations, ne pas attendre que l'ado s'installe dans la dépendance", prévient l'addictologue.   

Dans ces cas de figure, mieux vaut, selon Jean-Pierre Couteron, rester dans son rôle de parent, qui rappelle les règles et s'inquiète, et envoyer son enfant vers un des 400 centres Consultations jeunes consommateurs (CJC), encore trop méconnus. "Vous pouvez le lui expliquer : 'Je risque d'être à fleur de peau dans cette histoire, je préfère que tu ailles voir quelqu'un pour faire le point, deux ou trois fois'", suggère le praticien. Ce tiers aura un discours moins frontal, plus décalé sur la question : "A quoi cela lui sert et comment il pourrait faire autrement."

Et si votre enfant vous rétorque que vous aussi vous fumez, buvez de l'alcool et fumez un joint de temps en temps ? "Vous pouvez lui répondre qu'un adulte n'est jamais parfait mais que vous, vous avez fini vos études, bien entamé votre vie professionnelle et que vous maîtrisez votre consommation – à condition que cela soit le cas !" Et le spécialiste de conclure : les répercussions ne sont pas du tout les mêmes à 40 ans et 15 ans.

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