Pourquoi avons-nous un estomac acide ?
L'acidité de l'estomac donne certes parfois des douleurs à se plier en deux, mais elle est très utile car elle permet de casser les aliments avalés en nutriments. Ce découpage nécessite en effet l’action d’enzymes digestives qui ont besoin de baigner dans un environnement acide pour fonctionner correctement. Mais elle aurait un autre avantage, qui lui aurait même valu d’être sélectionné au cours de l’évolution : celui de créer une sorte de "barrage filtrant" qui empêche l’entrée d'agents pathogènes dans l’intestin, qui provoqueraient une infection.
Pour discuter cette hypothèse, une équipe de chercheurs s’est tournée vers nos cousins, les mammifères et les oiseaux. L'idée étant d'étudier les correspondances entre leur régime alimentaire et l'acidité de leur estomac, ou de leur gésier, dans le cas des oiseaux. Ils ont pour cela passé en revue la littérature scientifique et retenu 68 espèces au total pour lesquels ils ont trouvé les informations dont ils avaient besoin, dont 25 espèces d'oiseaux et 43 mammifères.
L'estomac des charognards est le plus acide
C’est ainsi qu’ils se sont aperçus que les charognards, qui se nourrissent d’animaux morts, et les carnivores, avaient en moyenne un estomac beaucoup plus acide que celui des herbivores. Jusqu’ici rien d'étonnant puisque l’estomac des charognards et des carnivores ne fonctionne pas de la même façon que celui des herbivores. Pour digérer la cellulose des plantes, ces derniers ont en effet besoin de l'aide de bactéries qui vivent dans un environnement moins acide. La différence d’acidité ne ferait qu'illustrer son rôle dans la digestion.
Sauf que les chercheurs ont remarqué que l'estomac des charognards était également plus acide que celui des carnivores. Les deux digérant le même type d’aliments, de la viande, il faut donc chercher une autre explication. Or, les charognards, amateurs de cadavres, s’exposent à un plus grand nombre de pathogènes. Pour les chercheurs, c’est bien la preuve que l’acidité a pour rôle de leur barrer la route.
Il y a toutefois quelques exceptions dans cet inventaire : le castor et le lapin. Tous deux ont un estomac très acide pour des herbivores. Mais le premier est connu pour sa manie de cacher sa nourriture sous l’eau où résident les giardas, des parasites intestinaux. Et le second se nourrit parfois de matières fécales. Au final, ces exceptions semblent confirmer l’hypothèse des chercheurs.
Une adaptation à double tranchant
Autre point étonnant : l’estomac des humains a une acidité qui s’apparente davantage à celle des charognards que des carnivores ou des omnivores. L'explication pourrait être que nos proches ancêtres mettaient plus souvent des animaux morts à leur menu que ne le pensent les paléoanthropologues. Ou bien, ils auraient justement développé au fil des âges un estomac plus acide, les protégeant de l’entrée de bactéries pathogènes.
Une adaptation qui serait à double tranchant, selon les chercheurs, car en limitant l'entrée des germes pathogènes, elle limiterait aussi la recolonisation de l’intestin par des bactéries bénéfiques qui peuvent avoir été décimées sous l'action d'antibiotiques. Si cette hypothèse venait à être confirmée par de nouvelles études, elle apporterait un argument de plus pour ne pas abuser des antibiotiques !
Source : The Evolution of Stomach Acidity and Its Relevance to the Human Microbiome. DeAnna E. Beasley et al. Plos ONE. Juillet 2015. doi : 10.1371/journal.pone.0134116.
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