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Tribune Œufs contaminés : "Chers consommateurs, vous devez vous informer sur ce que vous mangez !"

Dans une tribune publiée par franceinfo, le restaurateur militant Xavier Denamur tape du poing sur la table après le (nouveau) scandale sanitaire, lié cette fois aux oeufs contaminés à l'insecticide fipronil.

Article rédigé par franceinfo - Xavier Denamur, chef-cuisinier
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Publié Mis à jour
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Plusieurs centaines de milliers d'œufs contaminés au fipronil, provenant d'élevages des Pays-Bas et de Belgique, ont été vendus dans toute l'Europe. (SVEN HOPPE / DPA / AFP)

C’est un scandale alimentaire qui grossit de jour en jour. Comme la Suisse, l’Allemagne, la Suède et le Royaume-Uni, la France est elle aussi touchée par l'affaire des œufs contaminés au fipronil : près de 250 000 œufs ont été mis sur le marché national depuis avril. Une illustration supplémentaire, pour Xavier Denamur, restaurateur et militant contre la malbouffe, de la nécessité de faire le ménage dans l'agroalimentaire. L'auteur du livre Et si on se mettait enfin à table ? (éd. Calmann-Lévy, 2015) s'exprime ici librement.

On connaît déjà l'histoire. Comme pour l'affaire des lasagnes à la viande de cheval, le nouveau scandale sanitaire des œufs contaminés au fipronil devrait pousser les autorités européennes et les acteurs des filières concernées à chercher des solutions pour éviter que d'autres accidents industriels du même type ne se reproduisent. Et chacun pourra alors se gausser d'avoir mis en place de nouveaux dispositifs de contrôle qui redonneront confiance aux consommateurs dans l'industrie agroalimentaire.

Reste que les scandales sanitaires se suivent et se ressemblent... Et les consommateurs n'ont jamais vraiment boycotté les produits low-cost transformés. Au mieux, ils ont délaissé un rayon de plats préparés à base de viande pour un autre à base de poissons ou d'œufs. 

Depuis des années, j'essaie d'alerter mes concitoyens sur les risques liés à l'hyper-transformation des produits de base. Disons-le, c'est parfois de la merde.

Xavier Denamur

Notre corps n'est pas fait pour ingurgiter tous ces colorants, tous ces additifs... Il y a des choses insoupçonnées dans ce genre de produits, moi-même j'en découvre tous les jours ! Alors oui, c'est sûrement très pratique pour les industriels. Mais bizarrement, c'est beaucoup moins drôle pour la santé. 

La transparence, une urgence absolue

Il faut davantage de transparence, c'est une urgence absolue. On ne peut plus continuer à proposer des produits à l'aveugle. Il faut en finir avec l'opacité des circuits de production, en finir avec les lobbies de l'agroalimentaire qui refusent de fournir des informations claires sur les emballages.

Certains d'entre vous me rétorqueront que, dans le cas des œufs contaminés au fipronil, les produits étaient bien codés, et donc traçables. C'est vrai que la législation sur le marquage des œufs coquilles est bien respectée, que le dispositif mis en place en Europe a permis de développer la vente directe des œufs bio (code 0) et plein air (code 1) en coquille. Mais dans le cas qui nous intéresse, l'immense majorité des œufs concernés était destinée aux usines de transformation, bien loin des zones d'élevages de poules pondeuses en cage.

Il y a quand même un problème : aucun dispositif n'oblige les industriels à indiquer sur les emballages le type d'œufs utilisés dans leurs recettes.

Xavier Denamur

à franceinfo

Du coup, beaucoup d'industriels ne se gênent pas pour utiliser des œufs de type 3. C'est-à-dire ceux qui proviennent de poules enfermées dans des cages, sans lumière naturelle, gavées de soja OGM et d'antibiotiques pour survivre. Elles sont souvent entassées sur plusieurs étages. Les conditions sanitaires dans ces élevages sont tellement pitoyables que certains distributeurs refusent carrément de les commercialiser ! Pour les plats à base de viande, les industriels ont rétorqué aux autorités qu'il était compliqué d'indiquer la provenance des matières premières carnées. Mais avec les œufs, ils ne peuvent pas nous raconter les mêmes sornettes ! Ils savent parfaitement ce qu'ils achètent, c'est inscrit sur les coquilles ! 

Sous la pression des associations de consommateurs, l'Union européenne a dernièrement mis en place une directive qui oblige tous les acteurs de l'alimentation, restauration incluse, à indiquer les allergènes. C'est une bonne chose, mais ça ne suffit pas.  

Le consommateur peut trouver intéressant de savoir qu'il y a des œufs dans son flan. Mais ne lui serait-il pas plus utile de savoir précisément le type d'œufs utilisés ?

Xavier Denamur

à franceinfo

Aux restaurants, à la cantine... Informez-vous !

Il y a quelques années, j'ai découvert dans la cantine de mon fils, dans un petit village du Sud-Ouest, que les enfants dégustaient (en plus de paupiettes de lapin de Chine) sans broncher du flan en poudre Unilever blindé d'additifs en tout genre... J'imagine qu'une directive allant dans ce sens devrait être rapidement prise, il est juste regrettable qu'il faille toujours attendre un nouveau scandale sanitaire pour secouer nos représentants politiques.

Dernièrement, une mère de trois jeunes enfants au restaurant m'a dit qu'elle préférait voir ses enfants manger à la cantine des produits industriels propres plutôt que des plats cuisinés sur place à base de produits frais. Cette nouvelle histoire d'œufs contaminés devrait l'amener à revoir sa croyance aveugle dans l'industrialisation de l'alimentation. A moins qu'elle préfère attendre qu'un de ses enfants tombe gravement malade après avoir ingurgité un steak haché surgelé mal cuit. Ou un œuf en saumure trop traité. 

Alors chers consommateurs, vous devez vous informer sur ce que vous mangez ! Aux restaurants, à la cantine... Demandez ! Et puis, essayez de limiter l'achat de produits transformés, remettez-vous aux fourneaux et faites vous-mêmes. C'est bon pour le portefeuille, c'est bon pour la santé et c'est pour le moral.

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