Cet article date de plus de deux ans.

La violence des gangs et la descente aux enfers d’Haïti au cœur d'une exposition à Bayeux

À l'occasion du prix des correspondants de guerre de Bayeux, Médecins sans frontières (MSF) propose une exposition consacrée à la violence des gangs en Haïti. Un pays oublié de la communauté internationale, où règne le chaos. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Haïti est touchée par des violences, entre l'action des gangs et la vie chère, comme ici le 3 octobre 2022 près de Port-au-Prince. (RICHARD PIERRIN / AFP)

Les images de l’exposition sont saisissantes. Sur l’une d’elle, on voit par exemple Jimmy Cerizier, surnommé Barbecue. Il dirige le G9, l’un des gangs les plus violents de la capitale Port-au-Prince. Il pose, avec ses hommes, kalachnikov à la main, sur un dépôt d’ordures, face à la mer, fier, et sûr de son fait. Les gangs sont près de 170 dans le pays et règnent désormais en maîtres en Haïti. Médecins sans Frontières (MSF), qui organise cette exposition, décrit une situation catastrophique, comme dans un pays en guerre, les habitants manquent de tout. La violence est maîtresse des lieux, une violence extrême. Meurtres, viols, enlèvements, pillages, attaques contre les entrepôts de l’ONU. Certaines victimes sont retrouvées brûlées vives, d’autres entassées dans des fosses communes.

On dénombre plus de 800 enlèvements depuis le début de l’année. La guerre arrive dès que le soir tombe, le bruit des armes automatiques règne dans Port-au-Prince. Certains quartiers, comme Martissant sont désormais inaccessibles. Les bandes, souvent rivales, contrôlent au moins un tiers de la capitale. Le gang de Barbecue bloque aussi depuis trois semaines maintenant le principal terminal pétrolier du pays, empêchant toute livraison de carburant. Les armes sont partout : elles proviennent en masse des états-Unis par des réseaux de contrebande. L’idée d’un embargo sur ces armes circule à l'ONU, sans effet pour l’instant. Les policiers et les militaires haïtiens sont désemparés. Ils ont même peur, on les voit, les bras ballants, sur une autre des photos de l’exposition.  

Une situation humanitaire dramatique

La situation humanitaire du pays était déjà préoccupante avant que les gangs ne se mettent à faire la loi. Elle est maintenant "désespérée", selon les mots de l’ONU. Plus de 4 millions de personnes sont en insécurité alimentaire, soit un Haïtien sur trois. Et ils sont deux sur trois à vivre sous le seuil de pauvreté. Sur une autre photo de l’exposition, on voit un immense centre sportif transformé en refuge pour 1 500 personnes. Toutes ont fui la destruction de leur quartier par les gangs.

Les prix augmentent, +50% en un an, un phénomène encore accéléré par les effets en chaine de la guerre en Ukraine. Faute de blé en quantité suffisante, les prix des pâtes ou de la farine s’envolent. Le pays pourrait connaitre de nouvelles émeutes de la faim, comme en 2008. Et le choléra vient de faire sa réapparition ces derniers jours. MSF a aussitôt mis en place trois dispensaires spécialisés, deux sont déjà saturés. Enfin pour compléter ce tableau apocalyptique, la situation politique est dans l’impasse depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse il y a un peu plus d’un an. Le pays n’a plus de président, et plus de Parlement non plus.  

Des conditions difficiles pour les ONG

Dans ce contexte, les ONG doivent évoluer dans un contexte très difficile. MSF et le Comité International de la Croix Rouge maintiennent malgré tout des équipes substantielles, essentiellement composées de Haïtiens. Mais elles sont débordées. Et surtout le travail est très dangereux. Les équipes de MSF racontent comment, à chaque déplacement, il faut négocier avec les gangs pour pouvoir franchir certains carrefours. Et dans certains quartiers, comme Martissant, il a fallu tout simplement plier bagage, c'était trop risqué. L’ONU a décidé d’évacuer tout son personnel non essentiel. Et les journalistes étrangers sont devenus rares, trop dangereux là aussi.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.