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Afrique : l'opération séduction du ministre russe des Affaires étrangères

Sur fond de guerre en Ukraine, la Russie est lancée dans une vaste démarche d'influence sur le continent africain, et pas seulement via la présence militaire des mercenaires de Wagner. Le ministre russe des Affaires étrangères y multiplie les déplacements.
Article rédigé par Jean-Marc Four
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, rencontre le président de l'Érythrée, Isaias Afwerki, à Asmara, le 26 janvier 2023. (HANDOUT / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / VIA AFP)

Sergueï Lavrov aura visité sept pays à l’issue de ces deux voyages. La première salve s’est achevée jeudi 26 janvier en Erythrée, l’un des régimes les plus autoritaires et fermés de la planète. Avant cela, le ministre russe des Affaires étrangères s’était rendu au sud du continent, en Angola, en Afrique du Sud et dans le petit royaume d’Eswatini. La semaine du 30 janvier, deuxième salve, cette fois au nord : Sergueï Lavrov se rendra d’abord au Maroc, puis en Tunisie et en Mauritanie. Le Mali était aussi au programme initial mais n’y figure plus pour l’instant. 

À chaque fois, le premier objectif est de défendre la vision russe du conflit en Ukraine, et de s’assurer de la neutralité des pays africains sur le sujet en dénonçant la responsabilité des Occidentaux. Lors d'une conférence de presse en Afrique du Sud, Lavrov a soutenu qu’en mars 2022 à Istanbul les Ukrainiens étaient prêts à négocier avec la Russie, mais qu’ils en ont été dissuadés par les Etats-Unis, les Britanniques et d’autres pays européens. "Ils ont dit aux Ukrainiens : c’est trop tôt pour négocier C’est de notoriété publique", selon Lavrov. En Angola, le diplomate russe en a remis une couche en dénonçant ce qu’il appelle "les tactiques coloniales de l’Occident".  

Promotion du discours sur l'Ukraine et coopération militaire

Propager le discours russe sur l’Ukraine, c'est donc le premier objectif. Le second est de  forger des accords économiques ou militaires. Des accords énergétiques et commerciaux : ce sera sans doute le cas au Maroc ; les échanges sont déjà en forte augmentation entre les deux pays. Il est même question que la Russie fournisse des centrales nucléaires au Maroc. Et puis, il y a aussi la coopération militaire. Officieuse : c’est la présence des mercenaires de Wagner au Mali, au Burkina. Et officielle : par exemple, l’Afrique du Sud confirme l’organisation de manœuvres navales conjointes avec la Russie et la Chine, en février, au large de ses côtes. La ministre sud-africaine des Affaires étrangères Naledi Pandor s’en est expliquée aux côtés de Sergueï Lavrov "Toutes les nations au monde conduisent des manœuvres militaires conjointes avec leurs amis, c’est normal, ça fait partie du cours naturel des choses, a martelé Nadeli Pandor, ce n’est pas la peine de faire pression pour nous en dissuader." Ami, le mot est fort. Cela en dit long sur l’influence russe en Afrique.

Bataille d'influence entre grandes puissances

Cette influence s’explique aussi par l’importance des livraisons d’armes. Moscou constitue et de loin le premier fournisseur d’armes du continent. Et par l’Histoire : la Russie se pose en héritière de l’Union soviétique et en dépositaire de son soutien aux mouvements de décolonisation. En fait, l’activisme russe en Afrique s’est accéléré depuis le début de la guerre en Ukraine. La Russie annonce d'ailleurs un nouveau sommet Afrique-Russie fin juillet à Moscou, ce sera le deuxième du genre.

Mais les Russes ne sont pas les seuls à vouloir séduire le continent. La secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen était elle aussi en Afrique entre le 24 et le 27 janvier. Au programme : Sénégal, Zambie et elle aussi Afrique du Sud. Et quelques jours auparavant, c’était le nouveau ministre chinois des Affaires étrangères Qin Gang : cinq pays visités dont l’Ethiopie et l’Egypte. La lutte d’influence entre grandes puissances bat son plein sur le sol africain.

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