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Réformer est-il possible en France ?

Manuel Valls a revu les articles les plus contestés du projet de loi Travail. Reculade pour les uns, victoire de la concertation pour les autres… finalement, presque tout le monde mécontent et une contestation loin d’être désamorcée. C’est un peu le retour à la case départ. On serait tenté de dire "tout ça pour ça"
Article rédigé par Emmanuel Cugny
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
  (illustration prétexte © Fotolia)

La France n’aura pas son  "jobs act ", à l’instar des réformes Schroeder en Allemagne en 2003 ou, tout récemment, en Italie avec la politique du jeune Premier ministre Matteo Renzi.

Et pourtant, il y a tout juste une semaine, jour pour jour, François Hollande se rendait à Venise pour rencontrer ledit Renzi. A la veille de la grande manifestation nationale contre la loi El Kohmri, et dix ans après la mobilisation contre le Contrat Première Embauche, on se demandait s’il fallait y voir un signe, une "tentation de Venise" de la part du président Français désireux de faire passer la réforme.

Certains espéraient (les patrons), d’autres redoutaient (les syndicats)… ce mardi matin, malgré le détricotage de la loi annoncée par Manuel Valls, patronat et quasiment tous les syndicats sont déçus. Ils entendent poursuivre la mobilisation.

 

François Hollande, Matteo Renzi et les autres… des hommes que tout oppose, finalement, face à la réforme

François Hollande et Matteo Renzi ne sont pas les frères siamois socio-démocrates que l’on a souvent présentés comme tels.

Renzi s’est heurté à la rue et à la gauche de la gauche quand il a présenté sa réforme. Mais il a tenu bon et cette dernière est passée : assouplissement du code du travail, CDI progressif (petit au début, sécurisé avec le temps au bout de trois ans d’essai…

Bilan : confiance retrouvée de la part des entreprises et chômage en baisse depuis mars 2015 : 300.000 emplois créés, 180.000 chômeurs en moins.

Mais Renzi avait été élu sur un programme de réforme. Il avait annoncé la couleur dès la campagne électorale, même si ce fut très difficile une fois arrivé au pouvoir.

Rien de tel en France. François Hollande n’a pas été élu sur un programme de réformes. Le volontarisme politique est arrivé trop tard, qui plus est avec le déficit de communication abyssal autour de la loi El Khomri, erreur reconnue par le Premier ministre.

 

Un cas français bien spécifique

Les réformes en France ne sont jamais "gagnant-gagnant". Il y a systématiquement des gagnants et des perdants.

Exemples : l’introduction de la concurrence dans les services (taxis ou professions protégées), c’est le consommateur qui gagne, pas, ou peu, les professionnels, sauf à les mettre dos à dos ; la réforme de l’Etat : on touche aux fonctionnaires, pas aux salariés du privé ; la baisse du salaire minimum : favorable aux peu qualifiés sans emploi mais défavorable aux peu qualifiés ayant un travail. Enfin – le sujet du moment – la réforme du contrat du travail : favorise les CDD mais défavorise les titulaires de CDI.

Jamais de réforme "gagnant-gagnanté" !

Plus loin que le volontarisme politique, c’est la piste à explorer… peut-être à l’occasion d’une prochaine réforme. Pour celle du travail, il est trop tard.

Deux grandes perdantes cette fois-ci: la simplification, et les PME dont les dirigeants voient s’envoler tout ce dont ils pouvaient espérer comme fluidité pour embaucher plus facilement.

Au bout du bout, le grand perdant c'est le chômage qui reste corseté par une loi dénaturée pour ne pas faire de vagues, au nom du compromis et de la concertation... la bonne petite réforme à la française.

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