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Tout euro, tout éco. La clause Molière ou "toi, parler français?"

La clause Molière ou l’obligation de parler français sur les marchés publics pour les travailleurs détachés, est adoptée par de plus en plus de régions françaises, l’Ile de France ou encore la Normandie. Contestée en France pour son caractère discriminatoire, elle embarrasse l’Europe et la divise.

Article rédigé par franceinfo, Lise Jolly
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Plombier polonais (JACQUES DEMARTHON / AFP)

La clause Molière fait obligation aux entreprises d’avoir recours à des salariés parlant français ou à un traducteur, notamment en matière de consignes de sécurité. Mais son but déguisé, c’est d’éviter le recours à ces travailleurs détachés pour limiter la concurrence déloyale. L’opposition du conseil régional d’Ile de France s’en remet au préfet pour contester cette clause qu’elle considère comme discriminatoire et qui contrevient à la liberté de circulation des travailleurs, garantie par les traités européens.

Le tribunal administratif est saisi en Rhône-Alpes et Michel Sapin, le ministre de l’Économie, a lui aussi saisi la direction des affaires juridiques. Et si elle est approuvée par le syndicat du bâtiment, le patron du Medef, Gattaz, la qualifie lui, de clause nationaliste. Une clause purement électoraliste qui marche sur les traces du Front National pour la CGT, et de l’enfumage pour le gouvernement. On est loin de l’unanimité.

Une clause qui embarrasse et divise l'Europe

Oui, car elle vient encalaminer un débat concernant la directive sur les travailleurs détachés, mise au point après l’épisode du plombier polonais. L’Europe est en train de réviser cette directive, non sans mal. Car le sujet est une ligne de fracture entre les deux Europe. A l’Est, on considère que ce n’est pas un sujet.

11 pays, dont 10 d’Europe de l’Est plus le Danemark, ne veulent pas remettre cette directive sur la table. Une opposition qui pourrait bloquer la révision du texte. La nouvelle mouture vise à donner le même salaire aux travailleurs détachés et aux nationaux à l’exclusion des charges sociales acquittées dans le pays d’origine. Elle interdirait toute déduction du salaire des frais d’hébergement de ces travailleurs. Ce qui aujourd’hui réduit les salaires à presque rien comme c’est le cas dans les abattoirs allemands.

Travailleurs détachés, combien de divisions ? 

Pas  autant qu’on le croit. On parle de 400 000 en Allemagne, mais seulement la moitié en France. La Pologne en est le principal pourvoyeur, 430 000 polonais travaillaient hors de chez eux en 2014, mais on oublie qu’il y a aussi par exemple 125 000 français hors de leur frontière. L’hostilité des Britanniques à l’encontre des immigrés polonais avait été l’une des raisons du Brexit. Ce débat, sur fond d’élection aux Pays-Bas, en France, en Italie et en Allemagne cette année, alimente le nationalisme un peu partout et creuse les lignes de fractures entre les deux Europe.

Dans cette ambiance de repli sur soi généralisée, on peut s’attendre à une clause Goethe, Shakespeare ou Dante chez nos voisins. Les écarts des salaires minimum entre les états sont énormes, de 1 à 10 entre la Bulgarie et le Luxembourg, même chose pour les cotisations sociales. Il est temps que l’Europe s’emploie à faire converger ses salaires et ses cotisations, à moins qu’il ne soit déjà trop tard et que le mal ne soit déjà fait.

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