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Marcel Gauchet : "Nous avons donné un mauvais cadre à l'enseignement"

Marcel Gauchet, philosophe, directeur d'études à l'EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales), et rédacteur en chef de la revue "Le Débat". Il est aussi l'inventeur de l'expression "fracture sociale" reprise par Jacques Chirac pour sa campagne de 1995. Il vient de cosigner un livre Transmettre/Apprendre (éditions Stock) avec Marie-Claude Blais et Dominique Ottavi.
Article rédigé par Philippe Vandel
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
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Le livre commence par une question de vocabulaire. "Apprendre" a supplanté "transmettre" . Benoîtement, on peut voir là deux synonymes, mais ce n'est pas le cas.

"Transmettre toute l'autorité est du côté des adultes, puisqu'il s'agit d'éducation, qui essaient de mettre dans la tête des enfants ce qu'ils estiment être des valeurs, les règles de la civilité. Apprendre c'est déplacer l'accent du côté de l'enfant, des nouvelles générations dont on suppose qu'elles doivent par leurs propres moyens faire l'effort de s'approprier ce bagage que la transmission échoue à leur communiquer ," explique Marcel Gauchet.

Le niveau d'orthographe diminue en France car "nous avons donné un mauvais cadre à l'enseignement tel qu'il fonctionne aujourd'hui, et à tous les niveaux. Laisser reposer tout le travail éducatif sur l'élève c'est le mettre dans une position qui ne lui permet pas de s'orienter dans ce qu'il a à faire, acquérir des savoirs, des compétences, une maîtrise de l'univers qui l'environne. "

Les politiciens

Marcel Gauchet a rencontré les quatre derniers présidents : François Hollande, Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac et François Mitterrand. Il a également rencontré Jean-Marc Ayrault et dit avoir été frappé par sa lucidité et par le décalage entre ce qu'il sait, et ce qu'il dit . Entre sa parole privée et son discours public.  

"Nous sommes devant un grand problème qui est la contrainte de la parole publique. Il est vrai que c'est un art difficile car toute parole émanant d'une autorité supérieure est disséquée immédiatement par une foule de commentateurs intéressés. Ce n'est pas propre à Jean-Marc Ayrault, mais il y a un abîme entre le off et le on. "

En son temps, Valéry Giscard d'Estaing avait déclaré : "La France est une puissance moyenne. " Mitterrand : "Face au chômage, on a tout essayé. " Jospin : "L'Etat ne peut pas tout ". Fillon : "Je suis à la tête d'un état en faillite. " Les quatre disaient vrais et pourtant, quatre fois, cela a fait scandale. Comment expliquer qu'en France on ait un tel problème avec la vérité ?

"Il y a d'abord un caractère extrêmement violent du débat public en France où l'on a besoin de dénoncer son adversaire comme un ennemi radical . Il faut toujours dire que l'on est très riche, que tout va bien, que son action est parfaite. Un homme politique ne dit jamais qu'il s'est trompé ou qu'il a eu une mauvaise appréciation de la situation. "

C'est l'inventeur de l'expression "fracture sociale" reprise par Jacques Chirac pour sa campagne de 1995. "I l en a fait ce qu'il sait faire, de la démagogie électorale. Il a fait une très belle campagne, soulevé beaucoup d'espoir qu'il a affreusement déçu ."

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