USA : universités en péril ?
Question posée sur le blog de Mike
Maddock, diffusé le site du magazine Forbes ; Mike Maddock dirige depuis
plus de 20 ans une agence dédiée à l'innovation. Point de départ de son
raisonnement : une étude de l'agence de notation Moody's selon laquelle
40% des universités américaines subissent une diminution de leurs ressources et
de leur nombre d'étudiants. Question : le business de l'enseignement
supérieur est-il toujours viable – je rappelle qu'aux Etats-Unis le
question se formule en ces termes aussi bien pour le privé que pour le public
puisque les études universitaires sont payantes. 6500 dollars en moyenne dans
le public, soit 4.700 euros par an, 25.000 dollars dans le privé, soit 18.000
euros, et cela sans compter tous les frais annexes, qui vont parfois jusqu'à
doubler le montant de la facture. Selon Pierre Lagayette, qui publie aux
éditions du Sceeren CNDP Aujourd'hui les Etats-Unis, " envoyer un enfant
dans un établissement public représente 28% du revenu familial moyen, mais pour
un établissement privé la proportion grimpe à 76%. Derniers chiffres :
entre 1985 et 2012, les frais universitaires ont augmenté de 550%.
Etudes
de plus en plus chères, mais de moins en moins rentables...
Oui. Si le système tenait, si les
familles étaient prêtes à économiser pour les études de leurs enfants dès leur
naissance, si les étudiants eux-mêmes consentaient à emprunter des dizaines de
milliers de dollars à 20 ans, c'est parce que l'emploi, et un emploi bien
rémunéré, était au rendez-vous. Les Américains faisaient un calcul de retour
sur investissement, et jusque-là ça fonctionnait, même si le remboursement de
ces prêts étudiants accompagnait une bonne partie de la vie active des Américains
– Barack Obama lui-même aurait fini de rembourser ses prêts étudiants peu de
temps avant d'entrer à la Maison Blanche. On craint d'ailleurs un credit
crunch, c'est-à-dire le même phénomène qu'avec les subprimes – l'impossibilité
pour les diplômés de rembourser la dette étudiante. Entre 2007 et 2012, cette
dette des étudiants américains est passée de 548 milliards à 966 milliards de
dollars. Au niveau individuel, cela représente une dette moyenne de 21.402
dollars (16.300€) par personne. Si ce système tombait, cela entraînerait une
réaction en chaîne qui vaut bien celle des subprimes.
Problème :
avec la crise, ce lien avec l'emploi est rompu.
En tout cas largement fragilisé. Si
bien que les familles y regardent à deux fois et que le modèle vacille.
D'autant que l'Etat fédéral investit peu : sa contribution aux universités
a baissé de 30% depuis 1980 et s'élève aujourd'hui à 20 milliards de dollars
annuels, soit 14 milliards d'euros. A titre de comparaison, le budget du
ministère français de l'enseignement supérieur et de la recherche est de 26
milliards.
En
quoi cela concerne-t-il la France ?
Eh bien les universités américaines
réagissent en essayent de développer des modèles pédagogiques et économiques
moins onéreux. Parfois ils empruntent à l'Europe - Mike Maddock suggère ainsi
de recourir à l'apprentissage, qui
est peu développé là-bas. Mais elles investissent aussi dans les technologies
numériques qui permettent d'industrialiser certains enseignements. Et tant qu'à
inventer des standards, elles soutiennent des initiatives qui pourront se
décliner à l'étranger. Le marché va donc évoluer rapidement et le privé
devrait, sinon baisser ses prix, du moins imaginer des nouveaux
" produits " moins onéreux. Cela va toucher une partie des étudiants
qui aujourd'hui choisissent le public pour des raisons économiques :
investir 3.000 euros par an, ce n'est pas la même chose qu'investir 7 ou 8.000.
Cela
ne résout pas la question de l'accès à l'emploi.
Pas en tant que tel. Raison pour
laquelle on cherche à développer des systèmes pour améliorer les débouchés en
faisant mieux coller l'offre et la demande. La plateforme LinkedIn, qui est un
réseau social à vocation professionnelle, investit dans l'éducation t on peut
désormais s'inscrire dès l'âge de 13 ans.
La vision qui est derrière, c'est de permettre aux jeunes de se
constituer un portefeuille de compétences personnalisé, en valorisant comme on
le fait déjà les diplômes classiques, mais aussi en validant des savoirs ou des
compétences acquis via des systèmes d'enseignement à distance, au besoin en
dehors des universités et pour beaucoup moins cher. Ce qu'il faut bien
comprendre c'est que ces évolutions iront vite car les américains, qui font le
marché, en ont besoin pour sauver leur système. Et la question est bien celle
que pose Mike Maddock quand il demande s'il est encore temps pour les
universités de se réinventer à savoir est-ce que ces évolutions seront portées
par les universités ou bien par de nouveaux acteurs. iTunes n'a pas été créé
par des disquaires, amazon n'a pas été créé par des libraires. Ils ont pourtant
complètement bouleversé leurs marchés.
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