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Recherche 1,6 million d'enseignants d'ici 2015

C'est aujourd'hui la Journée mondiale des enseignants. Elle est organisée par l'Unesco et permet chaque année de faire le point sur les objectifs de scolarisation fixés par les Nations Unies à l'horizon 2015. Un horizon qui se rapproche dangereusement : on sait déjà que ces objectifs risquent fort de ne pas être atteints.
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
  (©)

L'objectif est simple : scolariser
tous les enfants dans de bonnes conditions. Pour y parvenir,
l'Unesco estime qu'il faudrait encore recruter 1,6 million d'enseignants
supplémentaires. Le délai est effectivement extrêmement bref...

L'Afrique
est-elle toujours en grave déficit ?

Oui, en tout cas l'Afrique
subsaharienne. Les trois quarts des pays souffrent de pénurie. Elle est parfois
aiguë : un enseignant pour 95 élèves en République centrafricaine, un pour
79 au Malawi, un pour 63 au Tchad. Selon les estimations de l'ISU, plus de la
moitié des pays dans le monde (120 pays sur 208) doivent augmenter la taille de
leur corps enseignant au primaire entre 2011 et 2015.

Ça ne
reflète pas la taille des classes tout de même...

Non, d'ailleurs la donnée n'est pas
disponible. Mais on estime qu'au-delà de 40 élèves par enseignant,
l'enseignement ne peut pas être de qualité. Pourtant les efforts accomplis
depuis 1999 sont spectaculaires. Il y a aujourd'hui 28,9 millions d'enseignants
au primaire dans le monde, c'est 16% de plus qu'à l'époque. Le problème, c'est
que cela s'est parfois fait au prix d'une baisse relative des salaires – c'est
le cas en Afrique subsaharienne mais aussi en Amérique latine – et puis l'autre
problème c'est que le million 600.000 enseignants nécessaires d'ici 2015 ne
couvrira pas les besoins ultérieurs : il en faudra au total 3,3 millions
d'ici 2030. Et je ne parle que du primaire, à cela vous devez ajouter d'ici
2015 3 millions d'enseignants de niveau collège, cinq millions si on pousse
jusqu'en 2030.

Ces
prévisions sont fondées sur l'évolution démographique ?

Oui, et sur celle des taux de
scolarisation. Mais la croissance démographique seule a déjà un effet
terrible : Les jeunes sont plus nombreux que jamais. Ils sont concentrés de
manière disproportionnée dans le monde en développement et risquent environ
trois fois plus que les adultes de se retrouver au chômage. L'inégalité de
l'accès à l'éducation maintient de nombreux jeunes, en particulier les jeunes
femmes pauvres, dans une situation très défavorable.

Le principal obstacle, je suppose, est la pauvreté des Etats.

Oui

Les
pays n'ont tout simplement pas assez de ressources pour former et recruter suffisamment d'enseignants, ne serait-ce que pur
compenser les départs. En Érythrée, dix enseignants du primaire quittent la
profession pour 7 qui sont recrutés. Mais le problème concerne d'autres zones,
comme l'Asie. Alors que l'Asie du Sud et de l'Ouest représentent huit pour cent de la
pénurie mondiale (nécessitant 130.000 nouveaux postes d'enseignants), la région
doit recruter environ six fois ce nombre (749.000) pour remplacer les
enseignants qui quitteront la profession d'ici 2015. Donc vous avez un cumul
des facteurs aggravants – la démographie on l'a dit mais aussi les départs à la
retraite.

Les pays développés sont évidemment mieux lotis.

Oui, mais ils ont aussi leurs
enjeux. L'Amérique du Nord et l'Europe occidentale devront également embaucher
des enseignants supplémentaires en raison des enseignants actuels qui prennent
leur retraite ou qui quittent la profession. Aux États-Unis, par exemple,
environ 460 000 enseignants devraient prendre leur retraite ou quitter la
profession d'ici 2015. Tout cela pèse lourdement sur les budgets des Etats.
L'éducation, c'est une industrie de main d'œuvre, les salaires en moyenne
représentent 80% de la dépense.

Vous nous parliez mercredi des Moocs, les cours en ligne sur
internet. Ça ne peut pas être une façon de faire des économies ?

Une tablette coûte moins cher qu'un
enseignant. Ensuite il y a des questions d'infrastructures, d'accès à
l'électricité, aux réseaux... Mais surtout il faut malgré tout former les
enseignants et bien sûr les enfants à ces usages. Donc sur le papier la
promesse est belle, potentiellement elle pourrait permettre de compenser le manque
d'enseignants, mais il faudrait quand même investir massivement, en équipement
et en formation. Sans parler des modèles pédagogiques, qui ne sont pas toujours
adaptés à l'autonomie qu'offre et exige l'apprentissage par le numérique.

Imaginons que la progression se poursuive et qu'on trouve assez
d'enseignants, cela suffira-t-il à scolariser tous les enfants ?... Il y a
d'autres obstacles à la scolarisation...

Oui. Selon une étude de l'Unesco, les
premières mesures à prendre n'ont d'ailleurs pas grand-chose à voir avec les
enseignants. Elles touchent d'abord à la gratuité – y compris de l'uniforme ...
vous savez qu'il est imposé dans de nombreux pays et pour les familles ça peut
être un obstacle insurmontable. Et puis surtout il y a les conditions liées à
la santé et à l'hygiène : gratuité des repas, accès à l'eau courante, aux
toilettes – la Banque mondiale avait montré voici plusieurs années que ces
facteurs avaient un impact direct sur les taux de scolarisation.

Il
y a en outre toutes les catégories qui sont victimes de déscolarisation ou de
non-scolarisation : les filles (je rappelle que Presque deux tiers des 775 millions d'adultes analphabètes dans le monde sont des femmes). Vous avez aussi les
populations rurales, les enfants qui travaillent, les enfants vivant dans des
situations de conflit, les orphelins, les migrants et les nomades, les enfants
handicapés, les personnes atteintes du VIH/SIDA, les personnes vivant dans des
contextes de conflits et de catastrophes, les réfugiés et les personnes
déplacées, ainsi que les minorités linguistiques et culturelles.

Autant de priorités qui seront donc rappelées dans
le monde entier à l'occasion de cette Journée mondiale des enseignants...

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