Cet article date de plus de douze ans.

Quelle école proposent les finalistes de la Présidentielle ?

Dossier spécial « éducation » aujourd’hui sur France Info à quatre jours du 2e tour de l’élection présidentielle.
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
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Le script de la chronique :

L’école devait être au
cœur de la campagne. Ça n’a pas vraiment été le cas...

Non. Pourtant Nicolas Sarkozy et François Hollande l’avaient
promis. A l’arrivée on aura un peu plus parlé d’éducation que lors des
précédentes campagnes, mais on le voit bien dans cet entre-deux tours, c’est
loin d’être un sujet majeur.

Il est pourtant très « clivant » comme on, dit…

Oui et non.

En apparence on a bien deux modèles qui s’opposent.

Celui que propose Nicolas Sarkozy s’inscrit dans un héritage qui mêle
tradition libérale et conservatisme bon teint. Sur le ton d’abord, celui de la
sévérité : il faut avoir le niveau pour entrer en 6e, il faut
revaloriser le bac ; tout ce discours de l’autorité et du contrôle. On
retrouve aussi cet héritage sur le fond : orientation précoce vers la voie
professionnelle pour les élèves qui ne suivent pas dans la voie générale,
suppression du collège unique sous sa forme actuelle, rigueur budgétaire,
cette idée que la gauche dépense toujours trop pour l’école. Mais surtout une
vision tournée vers l’individu : les dispositifs d’aide que prévoit la
droite s’adressent à des personnes, pas à des groupes ou à des zones. C’est le
côté « quand on veut on peut »

Et côté François Hollande, on pense que
« quand on veut on ne peut pas toujours » ?

C’est un peu ça ! Le constat d’échec est à peu près le même mais
les réponses diffèrent. En gros là où la droite prévoit de sortir les élèves
qui n’y arrivent pas du tronc commun, la
gauche prétend les y maintenir. Cela passe par plus d’attention dès la
maternelle notamment dans les quartiers défavorisés, avec justement une
réflexion sur cette notion de quartier ou de zone, l’idée qu’il y a des
endroits où il fait aider tout le monde à la fois. Pas de remise en cause du
collège unique, le refus de l’orientation précoce. Et puis des moyens avec
notamment les fameux 60.000 postes que FH a promis de recréer.

Deux visions donc, pourtant vous disiez
que l’opposition n’est peut-être qu’apparente…

Oui . Car au fond depuis 1945 ces deux visions coexistent. Il faut
rappeler que c’est la droite qui a posé les bases du collège unique en 1959 et
qui l’a instauré en 1976, alors que le collège unique sur le papier est plutôt
une idée de gauche ; à contrario, c’est la gauche qui a créé le bac
professionnel en 1985 puis qui a expérimenté le bac pro en 3 ans en 2002, des
mesures défendues et étendues par la droite. Vous trouvez des inflexions
différentes dans les politiques, par exemple sur la question des postes, les
suppressions  n’ont pas commencé en 2007
avec Nicolas Sarkozy mais dès 2002 avec la réélection de Jacques Chirac et le
retour de la droite au pouvoir. Ceci dit, Lionel Jospin avait gelé les
créations de postes dès 1997 donc au fond il y avait déjà à gauche cette idée
que toujours plus de postes ne donne pas mécaniquement toujours plus
d’efficacité.

Des inflexions donc, mais peu de grands
changements.

Non. Pour quatre raisons majeures.

La première c’est que l’Education Nationale est un ministère de la
parole. On fait des lois, on fixe des principes, dont on a l’habitude qu’ils ne
soient pas respectées, l’égalité des chances, par exemple. La deuxième c’est
que la technocratie qui gère le ministère se nourrit depuis des années aux
mêmes sources, aux mêmes rapports, elle est confrontée aussi aux mêmes
contraintes ; vous avez une sorte de pensée commune qui, quand on entre
dans l’opérationnel, n’est pas radicalement opposée entre droite et gauche. La
troisième ce sont les enseignants qui ne sont pas un corps homogène, ceux du
primaire et ceux du secondaire n’ont pas les mêmes visions, ceux de
l’enseignement général et de l’enseignement professionnel non plus, sans parler
des divergences internes à chaque catégorie. Difficile donc de faire bouger
tout le monde ensemble. Enfin les représentants des corps intermédiaires, ce
qu’on appellerait dans une entreprise le management de proximité, sont à la fois
peu nombreux et n’ont pas d’autorité directe sur les enseignants. Difficile là
aussi de faire bouger les choses.

Et les parents ?

Le seul sujet sur lequel les parents se mobilisent en tant que parents
ça aura été en 1984 la défense de l’enseignement libre, mobilisation massive,
et puis ponctuellement ils peuvent se mobiliser sur des questions de postes.
Mais ça ne va pas au-delà donc vous n’avez pas là non plus de force politique
pour entraîner le changement. Vous avez au fond un fort consensus social pas forcément
sur la façon dont l’école fonctionne mais sur la façon dont l’école est
organisée.

Le résultat, c’est l’immobilisme ?

En tout cas l’immobilisme des grandes structures, des grandes
respirations. Ça ne veut pas dire que l’on ne fait rien, mais le schéma global
ne bouge pas, seule la marge est modifiée.

On continue à enseigner au lycée des disciplines qui pour l’essentiel
ont été choisies à la fin du XIXe siècle, on est au XXIe. On continue à faire
des cours de 55’ dans des salles fermées de 25 à 35 élèves, or vous n’avez
aucune étude qui prouverait que c’est plus efficace que des cours de 45’, sans
parler de l’usage du numérique sur lequel l’école est la traîne, mais c’est une
méthode figée de longue date on ne la change pas. On continue à séparer les
études scolaires en trois temps:  primaire, collège et lycée, alors même que
la tendance majoritaire aujourd’hui est plutôt celle d’un bloc qui englobe le
primaire et tout ou partie du collège, puis le lycée et le début du supérieur, enfin
les études supérieures avancées. Mais cette respiration n’est pas prise en
compte. On pourrait multiplier les exemples. On pourrait multiplier les
exemples d’aménagements ou d’exceptions qui confirment la règle, mais elles se
jouent à la marge ou sous forme d’options.

Et c’est donc à l’intérieur de ces
structures assez figées que les politiques essaient de réformer.

Oui. Pour ça que ça ne marche pas toujours, puisque ça revient parfois à
essayer de faire entrer des carrés dans des ronds.

Donc selon vous l’école du 7 mai
ressemblera à celle du 6.

Il y a de fortes chances. En tout cas aucun des
candidats n’a promis de la révolutionner. Nicolas Sarkozy a sans doute été plus
radical dans le discours que François Hollande mais il avait également fait
beaucoup de promesses en 2007, comme la suppression de la carte scolaire, des
promesses qui n’ont jamais été tenues. François Hollande de son côté a été très
attentif à faire rentrer au bercail le vote enseignant, pas question de prendre
le risque de le perdre comme en 2002 quand Claude Allègre avait fait fuir les
enseignants vers les autres composantes de la gauche plurielle. Ça ne veut pas
dire qu’il ne ferait rien, il a détaillé des mesures dont il pense qu’elles
pourront améliorer l’existant, mais disons qu’il n’a pas encore dévoilé les
principes d’une grande réforme.

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