**Un film d'éducation ça ressemble d'abordà la conception que les organisateurs ont de l'éducation. Ce festival estorganisé par les Céméa, une association née dans le bouillonnement du Frontpopulaire pour former des éducateurs aux méthodes d'éducation dites nouvelles àl'époque. On parle donc d'éducation dans l'école mais aussi, beaucoup, hors del'école ; on parle aussi d'enfants ou d'adolescents en difficulté auprèsdesquels les méthodes classiques marchent moins bien ; on parle enfinengagement éducatif et sociétal.Et ça se traduit donc dans laprogrammation.Oui. Quand la caméra entre dansdes établissements scolaires, c'est dans un lycée des métiers, comme dans Etincelles,un documentaire d'Alexandra Santander tourné au lycéeprofessionnel des arts du métal Ferdinand Fillod. Une année auprès de jeunes littéralementhabités par la passion du geste juste, avec en arrière-plan une dimension quasiprométhéenne dans le rapport au feu, au fer, à la matière. Autre incursion dansun lycée avec Chantal Briet et l'Année des lucioles, qui s'intéresse à une "classepréparatoire aux écoles d'art" en Seine Saint-Denis. Comment devient-on artiste ?Là aussi, beaucoup d'émotion à travers la façon dont ces adolescents seconfrontent à eux même. De l'art encore dans Les bonnes notes, de Pauline Blancet Marielle Gros ; on est là à l'école primaire de Gardanne, ancienneville ouvrière dans la banlieue de Marseille, où enfants, parents, instituteurset musiciens partagent l'aventure d'un orchestre. On pense à l'expérience époustouflantede El sistema, une initiative lancée dans les années 1970 au Venezuela, un paysqui compte aujourd'hui pour 22 millions d'habitants, 250 000 jeunes pratiquant la musique classique au sein de 126 orchestres... Unsystème dont est sorti le jeune chef d'orchestre Gustavo Dudamel, qui dirige l'orchestreSimon Bolivar, mais aussi, comme chef invité, les ensembles symphoniques lesplus prestigieux du monde.On estlà aux marges du système classique... Plusieurs films s'intéressent aussi à ceuxqui sont au bord de la route.Oui. Deuxdocumentaires notamment sur des foyers qui accueillent des adolescents à ladérive, en Belgique et en France – ce dernier dans les Vosges, le film s'intituleIl ne faut jurer de rien et il est signé Anne-Marie Sangla. Un film qui nous invitedans le quotidien du travail d'éducateurs confrontés à la détresse et à laviolence d'adolescents aux histoires familiales toutes plus fracassées les unesque les autres.Desregards aussi sur des initiatives plus lointaines.Oui. Exempledans le sud de l'Inde avec l'aventure inouïe de ce vieux Brahmane racontée parRémi Briand dans Le cercle. Agé aujourd'hui de 80 ans, cet homme a commencé àcollectionner des livres quand il était enfant. Il a ainsi constitué un fond dedizaines de milliers de manuscrits, parfois très rares, qui étaient jusque-làlivrés aux intempéries et à la moisissure. On assiste à la construction d'uncentre pour héberger cette collection, la rendre accessible, et surtout la préserver– avec entre autre le concours de restaurateurs de la Bibliothèque nationale deFrance... Autre exemple au Sénégal dans Ladie's Turn, d'Hélène Harder, qui suit l'organisationd'un tournoi de football féminin destiné aux filles des quartiers. L'objectif n'estpas sportif mais sociétal : il s'agit de faire bouger les représentations surles femmes, de les libérer.On est effectivementloin de l'éducation au sens où on l'entend traditionnellement.Oui. Etc'est tout l'intérêt de ce festival, qui pourrait être placé sous l'égide de Jean-LucGodard quand il disait que " c'est la marge qui tient la page ". Onest effectivement aux marges de l'école, de l'éducation au sens classique, de l'institution,et pourtant, en creux, tout renvoie auxréussites ou aux échecs des systèmes éducatifs. Les réussites à travers l'implicationformidable des enseignants, des éducateurs, des entrepreneurs sociaux ;les échecs à travers l'impuissance des systèmes traditionnels à s'adresser àtous les enfants – vous voyez finalement on n'est pas loin de l'actualité ycompris récente, puisqu'on vient de passer le début de la semaine autour de l'enquêtePisa à déplorer l'impuissance de l'école à réduire les inégalités et l'augmentationdu nombre d'élèves en grande fragilité.Pour voirces films : direction Evreux ?C'est jusqu'à samedi. Direction aussi le site internet du festival, qui offre la possibilitéde visionner tous les films de la sélection via une plateforme conçue par FranceTV éducation. Vous pouvez non seulement les voir et je vous y invite vivement, maisaussi voter, jusqu'au 23 décembre, pour le prix des internautes..