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Pourquoi envions-nous les autres ?

Qu'il s'agisse des relations politiques ou de la vie professionnelle, notre propension à envier les autres est une constante. Nous pensons que les Allemands s'en sortent mieux, n'ont pas de problème d'emploi... ce qui n'est pas vrai Et c'est encore plus visible dans notre vie personnelle. Mais pourquoi cette tendance ? Réponse de Christilla Pellé-Douël, de Psychologies magazine.
Article rédigé par franceinfo
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Nous sommes des êtres désirants et le désir est notre moteur. Que nous voulions atteindre un objectif, réaliser une œuvre ou vivre une histoire d'amour. C'est cette force-là qui nous anime, cette force identifiée par Freud et qui s'appelle la libido.

Nous projetons sur les autres ce que nous désirons : ainsi, si l'autre vit une vie qui nous semble meilleure que la nôtre ou fait preuve de capacités que nous n'avons pas, nous l'envions. Nous voudrions être à sa place, posséder ce qu'il a. C'est un sentiment désagréable et que nous cachons volontiers car il est socialement désapprouvé : depuis que nous sommes enfants, il nous est répété qu'il n'est pas beau d'envier son voisin. Mais en réalité, ce que nous pensons meilleur chez les autres n'est souvent qu'un fantasme : rien ne nous dit que le bonheur que nous prêtons à celui qui est célèbre ou riche ou amoureux est vraiment vécu par lui, qu'il ne connaît pas un drame personnel ou des moments de découragement ?

Se comparer aux autres

Nous vivons dans une société qui valorise la compétition, l'excellence et affiche clairement son mépris pour ceux qui ne sont pas les meilleurs, depuis les concours d'entrée aux grandes écoles en passant par les Jeux Olympiques jusqu'aux compétitions télévisées comme Master Chef. Evidemment, nous intériorisons ces modèles et devenons notre maître le plus sévère.

Jamais assez bien, jamais assez fort à notre propre yeux ; nous sommes notre meilleur tyran !
D'où le sentiment que les autres font mieux : s'organisent mieux, sont plus sûrs d'eux, plus rapides, plus intelligents... Ce n'est pas toujours le cas. Et même si cela s'avère vrai, ceux qui réussissent sont ceux qui sont les plus adaptés au système, mais ne sont pas forcément les plus sensibles ni les plus intelligents.

Des raisons plus profondes

D'après la psychanalyste Gabrielle Rubin, cette tendance à la comparaison lorsqu'elle devient inhibante proviendrait souvent d'une enfance entre une mère dévalorisante et un père indifférent. Ce déséquilibre entraine une perpétuelle insécurité intérieure : qu'est-ce que je vaux ? Un enfant pense toujours que ses parents ont raison : s'il n'est pas apprécié et valorisé par ses parents, c'est qu'il y a une bonne raison, et l'enfant pense toujours qu'il en est le responsable : il n'est pas digne d'intérêt.

S'en sortir

Si la souffrance est telle qu'elle empêche de vivre, une thérapie s'avère indispensable. S'il s'agit des petits inconvénients et des hauts et des bas quotidiens, rappelons-nous que la vie ne se résume pas à "faire mieux" que les autres, mais que les vraies victoires sont celles qui nous permettent d'accepter nos faiblesses, nos échecs, de sortir de notre imaginaire enfantin, sans sombrer dans la dévalorisation. On se fiche complètement d'être le "meilleur", ce qui compte, c'est de se sentir en adéquation avec soi-même et ses valeurs profondes.

A lire :

Epicure et sa Lettre à Ménécée. Un texte court, simple, magnifique. 

Pourquoi les autres réussissent et pas moi , de Gabrielle Rubin, chez Payot

L'envie, essai sur passion triste , d'Elena Pulcini, aux éditions Le Bord de l'eau

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