Un nouveau trouble baptisé"orthorexie", mot composé à partir du grec "orthos",qui veut dire "droit" et "orexis", qui signifie appétit,c'est à dire l'obsession "d'avoir une alimentationcorrecte" .Vous me direz, c'est très bien d'avoir une alimentationcorrecte, on sait à quel point notre santé en dépend. Mais les personnes quisont touchées deviennent de véritables maniaques de l'alimentation.Comment cela se manifeste-t-il ?L'orthorexique a un problèmeavec la qualité de ce qu'il mange. Selon le Pr Apfeldorfer, se nourrirpour lui c'est se soigner, ce qui le conduit à écarter bon nombre d'alimentsqu'il pense dangereux et qui ne le sont pas forcément. Par exemple, lespersonnes qui écartent tout aliment contenant du gluten, le pain, la farine,certaines céréales, sans même avoir s'il est vraiment allergique. Ou d'autresencore qui ne mangent que des fruits et des légumes cueillis 30 minutes avantd'être consommés, de peur qu'ils ne perdent leurs nutriments... ce qui aupassage, doit être très pratique lorsqu'on n'habite pas à la campagne.Ces orthorexiques deviennentobsédés par la nourriture, considèrent leur corps comme un temple qui doitbénéficier de toutes les attentions. Il y a presque de lareligiosité là-dedans. Ils finissent par se couper du reste du monde et deleur entourage : très difficile d'entretenir une relation normale avecquelqu'un qui ne pense qu'à cela et qui vous fera vivre l'enfer pour que sonobsession soit satisfaite.Cela ressemble un peu à l'anorexie, non ?Par le côté obsessionnel,oui. D'ailleurs, l'anorexie peut se combiner avec l'orthorexie, par exemple lescomportements de tri de nourriture, comme pourchasser le moindre bout de grasdans l'alimentation.Comment bascule-t-on d'un désir de se nourrirsainement à l'orthorexie ?C'est facile, on peutfacilement se laisser gagner par ce type de comportement sans même s'enapercevoir, et c'est toujours sous couvert de bonnes raisons. L'orthorexique atoujours un beau discours idéologique à servir pour justifier sa manie. Si vouslui posez une question, vous partez pour une heure de cours sur les dangers depesticides. Patrick Denoux, psychologue, qui vient de publier un livre sur lesujet, y voit l'apogée de l'individualisme, le désir d'être parfait, mais aussile résultat des différentes crises alimentaires comme la vache folle ou la listéria,la peur des maladies, comme le diabète ou le cancer. Nous sommes tous inquietsdevant les changements environnementaux, climatiques, et nous tentons dereprendre "la main", le contrôle, sur ce qui nous échappe. Notreassiette, elle, ne nous échappera pas ! Si vous ajoutez une jouissance de toute-puissance sur soi, jouissanceassez proche de celles que connaissent ces grands contrôleurs que sont lesanorexiques, vous avez une idée des raisons qui nous amènent à passer deux heures à trier les graines quenous mangerons à la place d'un délicieux et grassouillet croissant aubeurre !Comment faire pour s'en sortir ?Avant tout je voudraisrappeler que toute attitude excessive en termes d'alimentation est néfaste.Patrick Denoux propose de voir nos assiettes d'un autre œil, et de fairecoexister quatre valeurs, faciles à mémoriser.Lesquelles ?la valeur"doudou", celle qui nous réconforte, nous rappelle notre enfance.Cela peut être du couscous ou du pin d'épices, peu importe. En tout cas, c'estcette valeur qui nous rassure.la valeur santé, c'est àdire l'équilibre de l'alimentation.la valeur modernité, quipermet d'éviter de grandes erreurs hygiéniques, sous prétexte d'authenticité.la valeur ouverture, quipermet de découvrir d'autres cultures.Et évidemment, la premièrequalité de ce petit programme consiste à ne pas en faire. Une nouvellereligion. Il suffit d'équilibrer à peu près toutes ces valeurs, pas forcémenten même temps. Une dernière suggestion : suivre ses envies et se faireplaisir. C'est un bon moyen, si l'on est en bonne santé, de se nourrirsainement, sans avoir besoin d'y penser 24/24. Je mangerais bien une bonne choucroute, moi. Pas vous ?A retrouver dans Psychologiesdu mois de mars . Un article signé Marie l'Hermet.Le livre de Patrick Denoux :* [Pourquoi cette peur au ventre* (246 p.) ChezLattès](http://www.editions-jclattes.fr/livre-pourquoi-cette-peur-au-ventre--patrick-denoux-562540).À l'heure où le cheval s'invite dans les lasagnes, où les vaches deviennent folles en se nourrissant de leurs congénères, où les fruits et légumes sont pleins de pesticides, et où l'eau serait un nid de nitrates, les raisons de paniquer face à nos assiettes se multiplient.Chez les plus anxieux, ou les plus radicaux, cette " peur au ventre " se transforme en une véritable terreur alimentaire qui génère des désordres, telle l'orthorexie.L'orthorexique ne mange pas un fruit qui a été cueilli depuis plus de dix minutes ; il contrôle et trie en permanence son assiette ; il lit et relit les étiquettes par méfiance ; il refuse de manger ce qui n'a pas été préparé par ses soins et recherche constamment un idéal utopique de santé et de propreté. Progressivement, l'orthorexique finit par s'isoler du monde et des autres, tout en faisant le lit des marchands d'alicaments ou de pilules censées remplacer les vitamines qu'il refuse au naturel.Dans un livre très documenté, Patrick Denoux dresse un état des lieux symptomatique de ce qu'il nomme une "névrose culturelle".