La coalition allemande s'effiloche-t-elle ?

Focus aujourd’hui dans "Micro européen" sur l'Allemagne, qui se retrouve actuellement dans une situation de gel du budget, avec Kai Littmann, directeur du site eurojournalist.eu.
Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
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Temps de lecture : 5 min
2 septembre 2023. Session du parlement régional de l'État libre de Thuringe. Il se compose de 90 députés avec notamment Björn Höcke (AFD) à droite, Thomas Kemmerich (FDP) , Mario Voigt (CDU) et Matthias Hey (SPD). (Illustration) (MATTHIAS BEIN / DPA VIA AFP)

Dans Micro européen, on se pose la question suivante aujourd'hui : est-ce que le gouvernement allemand, la coalition qui est au pouvoir, va tenir ? Cette coalition tripartite a adopté lundi 27 novembre un budget supplémentaire pour 2023, pour sortir de la crise inédite du budget, provoquée par une décision de justice qui a conduit le gouvernement à geler les dépenses engagées. 

franceinfo : Les libéraux commencent peut-être à lâcher prise, que peut-il se passer ? 

Kai Littmann: Oui, effectivement, l'Allemagne se trouve actuellement dans une situation quasiment inconnue, un gel du budget, une situation que connaissent surtout les Etats-Unis. Le ministre des Finances, Christian Lindner, le patron du FDP, donc des libéraux, doit trouver 60 milliards d'euros, on ne sait pas trop où. Et du coup, la base commence à se révolter.  

La base commence à se révolter, on parle d'un référendum ?  

On parle d'un vote qui a été demandé par 500 adhérents du parti, dans les fédérations du Land de la Hesse et de la Bavière, et 500 votes suffisent pour forcer la main au parti de faire un référendum, un vote national sur la question : est-ce que le FDP doit rester dans la coalition au pouvoir à Berlin ?  

Et si le résultat est oui, il faudra quitter la coalition ?  

Ce n’est pas obligatoire pour la direction du parti. Par contre, on a du mal à imaginer une situation où la direction nationale du parti continue à rester dans cette coalition, contre un vote explicite qui demande la sortie de la coalition. Il faut dire également que cette coalition, elle ne fonctionne pas du tout entre les Verts, le SPD, le FDP qui, ensemble aujourd'hui dans les sondages, se situent à 31 à 32%. Donc, il y a deux tiers des Allemands qui aimeraient bien un changement gouvernemental.  

Le FDP, ce sont les libéraux, le SPD, ce sont les sociaux-démocrates, que peut-il arriver si la coalition tombe ? 

Je pense que si la coalition tombe, il y a une seule voie qui serait le remake de la grande coalition. Car tout le monde veut éviter aujourd'hui des élections anticipées. L'extrême droite est très violente en Allemagne, l'AFD s'est installée solidement à la deuxième place du paysage politique allemand. Ils font dans tous les sondages 21 à 22%, et des élections anticipées pourraient donner un résultat, comme on a vu il y a quelques jours, aux Pays-Bas.  

Donc, il n’y aura certainement pas d'élections anticipées en Allemagne, mais une recomposition de la coalition au pouvoir. La CDU est largement devant, dans les sondages. Mais même une telle grande coalition serait très difficile à mettre en œuvre. Et là, actuellement, il y a un grand point d'interrogation sur la suite. En Allemagne, cette dégringolade du gouvernement allemand, a commencé il y a déjà un bon moment. 

La CDU, ce sont les conservateurs, peut-être n'ont-ils pas du tout envie de rejoindre une coalition avec les sociaux-démocrates du SPD. Parce qu'il y a aussi les Verts ? 

Ils ne rejoindraient certainement pas une coalition avec le SPD, déjà, pas avec les Verts. Ils seraient certainement prêts à prendre en charge une nouvelle coalition sous leur direction, avec les SPD comme partenaire junior. Est-ce que le SPD marcherait dans une telle constellation ? Rien n'est moins sûr. Donc, il faut dire que, c'est assez chaotique actuellement.   

Par rapport à cette situation chaotique comme vous l'appelez, est-ce que l'AFD, donc les nationalistes qu'on appelle l'extrême droite, est-ce que l'AFD se tient prête ? 

Oui, ils se tiennent prêts. C'est un peu une situation comme dans d’autres pays, où ils font profil bas, ils ne s'expriment pas trop. Ils attendent tout simplement que les autres partis s'autodéchirent, et ils seront prêts le moment venu. Et ça aussi, c'est quelque chose qui fait plutôt peur.  

En Allemagne, il y aura des élections régionales en Thuringe, l'année prochaine. L'AFD est largement en tête dans les sondages, et je pense que c'est une perspective qui est tout, sauf réjouissante. Mais je pense que le mois de janvier en Allemagne, politiquement parlant, sera très mouvementé.  

Ce qui n'augure rien de bon pour les élections européennes de juin prochain ? 

L'Europe, actuellement, est beaucoup moins bien considérée en Allemagne, qui était toujours le pays en Europe, qui avait la plus forte adhésion à l'idée européenne et aux institutions européennes.  

Aujourd'hui, ils sont de plus en plus nombreux, aussi en Allemagne, à remettre en question le fonctionnement des institutions, et je pense que les élections européennes, au mois de juin 2024, risquent d'être une très mauvaise surprise pour l'Europe.  

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