César 2024 : le sacre d'"Anatomie d'une chute", de Justine Triet, et le discours coup de poing de Judith Godrèche
Retour sur la 49e cérémonie des César, avec le triomphe d'Anatomie d'une chute de Justine Triet, qui a décroché six récompenses, dont les César du meilleur film et de la meilleure réalisation. Une soirée marquée par le discours courageux, fort et digne de Judith Godrèche. L'actrice a appelé le cinéma français à changer d'époque pour en finir avec les violences faites aux femmes.
À 21h30, Ariane Ascaride appelle sur scène Judith Godrèche, l'actrice vêtue de noir, avance vers le pupitre et pendant six minutes, de sa voix calme mais ferme, parfois tremblante, parfois teintée de colère, elle en appelle à une prise de conscience collective : "Depuis quelque temps, la parole se délie. L'image de nos pères idéalisée s'écorche. Le pouvoir semble presque tanguer. Serait-il possible que nous puissions regarder la vérité en face, prendre nos responsabilités, être les acteurs, les actrices d'un univers qui se remet en question ?"
Puis Judith Godrèche s'adresse à toute la profession.
"Depuis quelque temps, je parle, je parle, mais je ne vous entends pas, ou à peine. Où êtes-vous? Que dites-vous ? Un chuchotement, un demi-mot ? Ce serait déjà ça, dit le Petit Chaperon rouge. Je sais que ça fait peur. Perdre des subventions, perdre des rôles, perdre son travail. Moi aussi j'ai peur..."
Judith Godrèchelors de son dicours à la cérémonie des César
Suit une longue ovation debout, l'émotion est palpable, surtout chez Bérénice Béjo et Ariane Ascaride qui doivent enchaîner. Mais il faudra attendre la fin de la cérémonie pour que les mots de Judith Godrèche trouvent un écho.
Et très peu de prise de parole ensuite, sauf du côté d'Audrey Diwan et de Justine Triet, qui a donc triomphé hier soir avec Anatomie d'une chute. Un film qui continue de glaner de nombreuses récompenses. Après sa Palme d'or cannoise en mai 2023, Anatomie d'une chute a été appelée six fois sur scène hier soir. Meilleur film, meilleure réalisatrice, meilleure actrice, meilleur acteur dans un second rôle pour Swann Arlaud, meilleur montage, meilleur scénario original. Justine Triet devient la deuxième femme seulement, dans l'histoire de la cérémonie, primée pour sa réalisation.
"Quand j'ai appris il y a quelques jours que je concourais au prix de la meilleure réalisatrice, et qu'il n'y en avait qu'une seule qui l'avait eu en 49 ans, j'étais franchement stupéfaite, je n'y croyais pas..."
La réalisatrice Justine Trietà la 49e cérémonie des César
On rappelle que le 10 mars à Los Angeles, Anatomie d'une chute est nommé dans cinq catégories aux Oscars, dont celui du meilleur film. L'aventure n'est pas finie.
Mais revenons aux Césars, côté interprète maintenant, avec là encore un prix pour le film de Justine Triet, celui de la meilleure actrice pour Sandra Hüller, pour son deuxième film avec Justine Triet après Sybil en 2019, l'allemande ici dans un rôle complexe, pas forcément aimable, qui porte le film de bout en bout.
En catégorie meilleur acteur, c'est un peu une surprise mais c'est très mérité, Arieh Worthalter est récompensé pour sa prestation enfiévrée en Pierre Goldman dans Le Procès Goldman. En allant chercher son César, le comédien a expliqué que l'art était politique, il a appelé à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza.
Le règne animal de Thomas Cailley arrive deuxième au palmarès avec cinq César, mais pas dans les catégories reines, Le film remporte les César du meilleur costume, du meilleur son, le trophée pour les effets visuels, la photo et la musique signée Andréa Laszlo de Simone.
Une soirée marquée également par le discours de l'acteur Raphaël Quenard. Nommé trois fois, le comédien repart avec la distinction de révélation masculine pour sa prestation dans Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand. L'acteur de 32 ans, un peu farfelu, a explosé les compteurs lors de son discours, il a véritablement été la sensation de cette année 2023 au cinéma.
Enfin deux César d'honneur ont été remis hier soir. D'abord celui pour le réalisateur anglais Christopher Nolan, mais ce n'est pas son film Oppenheimer, qui devient meilleur film étranger, là aussi c'est une surprise, il s'agit de la Québécoise Monia Chokri pour sa comédie Simple comme Sylvain
L'autre César d'honneur a été remis à Agnès Jaoui, un joli moment pour l'actrice, scénariste, réalisatrice, dramaturge et chanteuse, très émue par la présentation longue et tendre de son ami Jamel Debbouze.
Enfin la Tunisienne Kaouther Ben Hania est récompensée du César du meilleur documentaire pour Les filles d'Olfa, film hybride sur l'histoire de cette mère de famille dont deux des filles ont rejoint Daech au début des années 2010. La réalisatrice qui, elle aussi, a appelé au cessez-le-feu dans la bande de Gaza.
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