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Le sens de l'info. Le vieillissement et la course du temps

Le philosophe Michel Serres évoque le vieillissement et nous conseille tout d'abord de relire "L'Oreille cassée" d'Hergé, qui selon lui, illustre le "bricolage" des organismes vivants...et la marque du temps.

Article rédigé par franceinfo, Michel Polacco - Michel Serres
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La statuette précolombienne en bois appartenant aux collections des musées royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles. (C05 01 B2 / Musée royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles / Casterman)

Tout vieillit. Tous vieillissent. Le temps fait son œuvre et apporte la beauté, le talent, le savoir, le lien, puis progressivement, le temps fane cette belle œuvre. Les choses s’usent plus qu’elles ne vieillissent. Les vivants vieillissent car ils passent par des âges, des paliers, des étapes. Et ces étapes les bonifient souvent comme les objets peuvent être rodés, mais c'est un état bref. La course du temps nous inquiète et nous plaît. Pressés et priant pour en ralentir la marche selon nos envies. 

La symbolique du fétiche de L'Oreille cassée 

"Tout le monde, je l'espère, a lu "L'Oreille cassée", cet immortel chef d'œuvre d'Hergé. Il y est question d'un fétiche, explique Michel Serres, et ce fétiche, on le vole, on le cache, on le cherche, on le retrouve, puis il tombe sur le pont d'un bateau et il se casse en mille morceaux. Et juste après cet événement, il réapparaît tout d'un coup sur son socle au musée ethnographique, et dans un état absolument pitoyable, reconstruit pièce à pièce, avec des ficelles, des éclisses, du fil de fer, du sparadrap, des plaques métalliques." 

Les organismes vivants sont comme le fétiche rafistolé

L'historien des sciences nous invite à comparer les organismes vivants à la statuette initiale du fétiche ou au contraire à ce fétiche rafistolé et rebricolé.
"Nous croyons que les organismes sont plutôt du côté de cette statue lisse et parfaite...Il n'en est rien. L'organisme vivant ressemble plutôt au fétiche rafistolé. Pourquoi ? Parce que l'évolution est un fleuve à plusieurs lits, et par conséquent, chaque organe est différent et disparate. Par exemple François Jacob précise Michel Serres, comparait le système nerveux à un ordinateur qui est transporté par une brouette..." 

Et de conclure : "Alors évidemment, quand on est jeune et bien portant, on n'a absolument aucune idée de ce bricolage disparate. A ce moment-là, nous nous croyons harmonieux et entier, et à mesure que l'on vieillit, le disparate évolutif réapparaît dans sa réalité crue et nue, et perdant l'esprit d'équipe, les organes se mettent à jouer à part..."

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