Adieu car c’est la dernière chronique que nous enregistrons avec Michel Serres pour franceinfo. Notre chronique s’arrête.Nous avons joint nos pas, et nos voix pendant 14 ans. Mais "ce n’est qu’un au revoir, bien sûr, mon frère". Et cela nous donne l’occasion de parler de l’adieu et des adieux. L’adieu est-il définitif ? On ne se retrouve plus qu’au paradis, si l’on y croit ? Ou ne se croisera-t-on plus, car la distance sera trop longue. On dit adieu à nos morts, à notre jeunesse, parfois à nos amours.Adieu… Nous n'irons plus dans les prairies,Au premier rayon du matin,Egarer, d'un pas incertain,Nos poétiques rêveries.Nous ne verrons plus le soleil,Du haut des cimes d'ItaliePrécipitant son char vermeil,Semblable au père de la vie,Rendre à la nature assoupieLe premier éclat du réveil. …Adieu, vallons; adieu, bocages ;Lac azuré, rochers sauvages, Bois touffus, tranquille séjour,Séjour des heureux et des sages,Je vous ai quittés sans retour.Déjà ma barque fugitiveAu souffle des zéphyrs trompeurs,S'éloigne à regret de la riveQue n'offraient des dieux protecteurs.J'affronte de nouveaux orages ;Sans doute à de nouveaux naufragesMon frêle esquif est dévoué,Et pourtant à la fleur de l'âge,Sur quels écueils, sur quels rivagesN'ai-je déjà pas échoué ?Mais d'une plainte témérairePourquoi fatiguer le destin ?A peine au milieu du chemin,Faut-il regarder en arrière ? …Nous mesurerons la carrière,Qu'il aura fallu parcourir.Tel un pilote octogénaire,Du haut d'un rocher solitaire,Le soir, tranquillement assis,Laisse au loin égarer sa vueEt contemple encor l'étendueDes mers qu'il sillonna jadis.Alphonse de Lamartine (1790-1869) À lire aussi Alphonse de Lamartine