Le traitement éditorial du cancer du roi Charles III

Richard Place, correspondant à Londres est au micro d’Emmanuelle Daviet, la médiatrice des antennes de Radio France pour répondre aux questions des auditeurs.
Article rédigé par Emmanuelle Daviet
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Sandringham, Royaume-Uni. 4 février 2024. Le roi Charles III et son épouse se rendent à l'église St Mary Magdalene, accompagnés par le révérend Canon Dr Paul Williams. (MAX MUMBY/INDIGO / GETTY IMAGES EUROPE)

On a appris lundi 5 février, en fin de journée que le roi Charles III était atteint d’un cancer qui va le tenir à l’écart de la vie publique pendant une durée inconnue. Cette annonce a provoqué un choc au Royaume-Uni.

Emmanuelle Daviet : Des auditeurs ne comprennent pas pourquoi autant de temps d’antenne a été consacré à cette nouvelle du 5 février, en fin de journée ? 

Richard Place : Eh bien, parce que la famille royale, c’est un élément très important ici au Royaume-Uni. Mais on l’a vu au moment des obsèques de la reine, et du couronnement du roi Charles. C’est aussi un pôle d’attraction pour le monde entier. Pour la France aussi, il y a une vraie curiosité pour cette famille royale. Et puis cette maladie intervient tellement peu de temps après son couronnement. Cela fait moins de deux ans qu’il a été couronné, le roi Charles III. Il y a une forme de tragédie dans son destin.

Cet homme qui a attendu si longtemps pour enfin devenir roi. Sa mère a, je vous le rappelle, régné pendant plus de 70 ans. Il a aujourd’hui, lui-même, 75 ans. Alors si finalement, un cancer qui se déclare pour un homme de cet âge-là est quelque chose malheureusement d’assez commun, c’est vrai qu’à partir du moment où ça touche la famille royale, ça prend d’autres proportions.

Une auditrice s’interroge et souhaiterait savoir si la médiatisation des problèmes de santé d’une personnalité est l’occasion de parler plus ouvertement de dépistage d’éventuelles maladies et de sensibiliser le grand public ?

Alors ça, clairement, au Royaume-Uni, ça a été quantifié ces derniers jours. Par exemple, 42% de connexions en plus, sur le site d’un organisme de sensibilisation et d’aide aux malades. D’ailleurs, la famille royale sert au moins ça, c’est évident. Il y a deux semaines, quand on a appris que le roi allait être opéré pour une hypertrophie de la prostate, la page du site du NHS, c’est-à-dire les services de santé publique consacrés à ce problème, a été consultée 10 fois plus que d’habitude.

D’ailleurs, Buckingham a choisi de révéler la maladie aussi pour sensibiliser. Le Palais l’a fait savoir là où Elizabeth II était très secrète. Charles III décide de communiquer la révélation de cette maladie, qui a servi à attirer l’attention, et sans doute à plus de prévention ici au Royaume-Uni. On peut imaginer d’ailleurs qu’en France, des gens se sont également posé la question.

Elle a aussi permis de voir à quel point les hôpitaux britanniques sont débordés, et en difficulté. C’est un sujet connu depuis la pandémie. En particulier, la santé publique souffre d’un manque de moyens humains et financiers ici, mais avec la maladie du roi, de nouveaux chiffres sont sortis. Par exemple, 35% des gens à qui on a diagnostiqué un cancer, patientent plus de deux mois avant de recevoir un premier traitement. Les médecins répètent que la rapidité d’action est décisive. Tout ça, on en a aussi parlé sur franceinfo, à l’occasion de cette actualité.

Et comment expliquez-vous, en tant que correspondant à Londres, que dès qu’une information relative à la famille royale est évoquée en France, on constate que cela polarise énormément l’opinion publique française ?

Parce qu’en France, on a guillotiné notre roi à la fin du XVIIIe siècle. Les Anglais l’avaient fait avant nous-mêmes, mais ils ont gardé une monarchie. Et c’est vrai que vis-à-vis de cette monarchie, on sent une passion française, et une passion qui va dans les deux sens, la détestation pour certains sans doute, parmi les gens qui ont envoyé ces messages agacés, et il y a effectivement un rejet de cette famille royale, de la royauté, sous quelque forme qu’elle soit.

Il y a aussi, on le voit bien, à chaque actualité royale, et en particulier ces dernières années, il y en a eu beaucoup avec le jubilé de platine de la Reine, son décès, le couronnement du roi. À chaque fois, notamment sur nos sites, on constate qu’il y a énormément de gens qui consultent ces pages-là. Il y a donc un réel intérêt aussi pour cette famille royale, qui nous fascine autant qu’elle nous agace. On ne comprend pas bien à quoi elle sert. Et c’est vrai, quand on est au Royaume-Uni. J’y vis désormais depuis un peu plus de trois ans et demi.

On constate à quel point c’est un roc, quelque chose auquel les gens se raccrochent. Alors pas tous. Il y a une vraie différence entre les plus jeunes et les plus âgés dans le pays. Clairement, on le voit dans les sondages. Pour les jeunes, c’est une famille qui leur paraît lointaine. C’est une couronne à laquelle ils ne sont pas forcément très attachés. Mais la majorité des Britanniques restent attachés à cette couronne qui reste quand même un point d’ancrage. Une curiosité aussi.

Et puis c’est quand même dans "famille royale", il y a "royale", il y a cette couronne, mais il y a famille aussi. C’est une famille qui connaît ses déboires, comme toutes les familles, en connaissent ici. Et finalement, il y a quelque chose de l’ordre de la saga, les maladies, les divorces, les colères, les problèmes judiciaires, Tout ça fait que, évidemment, ça focalise l’attention.

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