La Catalogne, de la prospérité aux dettes
En quelques années, la Catalogne est passée de
l'image prospère, industrielle et dynamique, à celle d'une région criblée par
les dettes. D'après la Banque d'Espagne, il s'agit de la communauté autonome la
plus endetté avec celle de Valence. Résultat: le gouvernement nationaliste CIU,
au pouvoir en Catalogne depuis novembre 2010, n'a plus qu'une idée en tête, prendre le taureau par les cornes afin de réduire le déficit public, en
procédant à des coupes budgétaires sans précédent. Education, santé, police,
prisons... tout y passe. Pendant ce temps-là, dans la rue, la grogne enfle et
la pauvreté avance.
Les coupes budgétaires
drastiques ont touché principalement deux secteurs en Catalogne, l'éducation et
la santé, c'est-à-dire les deux plus gros budgets de la région (comme partout
en Espagne). 10% de réduction en 2011 dans le domaine de la santé, ce qui s'est
traduit par moins de lits d'hôpitaux, des services entièrement fermés, des
urgences bondées et des listes d'attente pour les interventions chirurgicales
qui ne cessent de s'allonger. Paloma de la Calle, aide-soignante à l'Hôpital de
Bellvitge (à la périphérie de Barcelone) et membre du syndicat CGT, s'insurge : "La santé publique est l'un des seuls droits qui nous reste
encore. Nous avons peur désormais de nous retrouver avec un système de santé
dont ceux qui n'ont pas d'argent ne pourront plus bénéficier. Notre santé est
en danger. Nous devons la défendre ."
"Ma situation est
pire qu'en 1967, lorsque je me suis mariée"
La santé, mais aussi
l'éducation, les deux piliers de l'Etat Providence risquent de s'effondrer en
cas de coupes supplémentaires. Même le gouvernement catalan semble avoir peur
de s'attaquer davantage à ces deux géants aux pieds d'argile. Mais la crise
avance et le déficit doit être réduit coûte que coûte ne cesse de marteler le
gouvernement central de Madrid. Les Catalans, eux, ont déjà fait savoir à
travers des manifestations très suivies qu'ils en ont marre de se serrer la
ceinture. Mari Luz est sans emploi. Elle est presque à l'âge de la retraite.
Son mari touche une petite pension: 800 euros, qui permet difficilement au
couple de boucler les fins de mois. Mari Luz ne comprend pas ce qui se passe en
Catalogne : "C'est ici qu'ils font le plus
de coupes. Ma situation est pire qu'en 1967, lorsque je me suis mariée. Ça va
très mal et c'est toujours les pauvres qui trinquent! "
Les pauvres, justement,
ils ne cessent d'augmenter en Catalogne. Avec plus de 20% de chômeurs, la
région subit de plein fouet la crise et beaucoup se retrouvent sur le carreau,
incapables de faire face à leurs obligations. Jordi Rogla de Leuw, directeur de
Cáritas à Barcelone résume la situation en une phrase: "Je n'aurais jamais pensé que cela pouvait aussi m'arriver, à
moi... " C'est
ce que lui disent de plus en plus de couples, de mères de famille et de jeunes,
qui viennent pour la première fois frapper à la porte de cette association
caritative débordée par cette pauvreté qui avance.
"Ce n'est pas juste que je sois obligé de payer une
dette toute ma vie"
Le désespoir de ceux
touchés par la crise, le chômage et aussi la perte de logement grandit. Comme
beaucoup de personnes en Espagne, Cesar, jeune équatorien père de 2 enfants en
bas âge, est sur le point de se faire expulser de chez lui. Sans travail depuis
deux ans, lui et sa femme, ils ne peuvent plus payer leur prêt immobilier.
Grâce à ses allocations chômage il a pu, jusqu'à présent, nourrir sa famille.
Mais à la fin du mois, le chômage s'arrêtera. Que vont-ils devenir ? Il implore
sa banque depuis des années pour qu'elle accepte la dation en paiement,
c'est-à-dire de s'acquitter de sa dette en remettant son logement à la banque.
Pour l'heure, la Caixa Catalunya fait la sourde oreille. Soutenu par la
Plateforme des Victimes des Emprunts, il compte livrer bataille jusqu'au bout,
même s'il a du mal souvent à combattre son désespoir. Il lance un appel à ceux
qui veulent l'entendre: "Qu'on nous donne une nouvelle
chance pour qu'on puisse s'en sortir et avoir une vie digne. Parce qu'actuellement, on nous met de côté comme si on était une poubelle. Ce n'est pas juste
que je sois obligé de payer une dette toute ma vie. Je ne pourrai jamais la payer, même pas avant de mourir. "
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