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Haïti : avec 600 morts en un mois, le pays est "au bord du précipice" selon l'ONU

Le pays s'enfonce dans "une violence extrême" digne d'une guerre, au point que l'ONU appelle à l'aide.
Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le chef de gang haïtien Jimmy Cherizier, alias Barbecue, célèbre pour brûler vives ses victimes. (ORLANDO BARRIA / EFE)

Pris à la gorge par les gangs armés, Haïti est en train de sombrer. Il suffit de lire le communiqué du conseil de sécurité de l'ONU publié lundi : on y parle de d'exécutions en pleine rue, d'enrôlement d'enfants, de viols collectifs, d'enlèvements, trafic d'armes, de racket... ou encore de sanctions contre un chef de gang surnommé "Barbecue", qui a gagné sa réputation en faisant brûler vives ses victimes.

Sur le seul mois d'avril, 600 personnes ont été tuées dans le pays. 20 par jour... Et les chiffres augmentent à une vitesse vertigineuse. D'après un communiqué du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme, « au moins 846 personnes ont déjà été tuées au cours des trois premiers mois de 2023, auxquelles s'ajoutent plus de 393 personnes blessées et 395 enlevées au cours de la période, soit une augmentation de 28% de la violence par rapport au trimestre précédent ».

Les gangs, un État dans l'État

Si les gangs prospèrent à ce point en Haïti, c'est d'abord en raison de la déliquescence des institutions. Imaginez que sur ces trente dernières années, un seul président a pu achever normalement son mandat. Le dernier a été assassiné, il y a deux ans. Depuis, c'est le Premier ministre, Ariel Henry, impopulaire, qui gouverne à coup de décrets-loi. Les élections, plusieurs fois repoussées, sont censées avoir lieu cette année, mais l'anarchie est telle que l'organisation d'un scrutin est inimaginable.

Dans ce contexte, les groupes criminels sont largement financés en sous-main par certains membres hauts placés de l'appareil d'Etat qui achètent de cette façon leur sécurité, leur maintien au pouvoir ou leur business. Ou les trois à la fois. La police et la justice sont impuissantes. Et ce sont les gangs qui ont pris le pouvoir, véritable Etat dans l'Etat, en profitant aussi d'une situation économique et sociale catastrophique.

La violence à Haïti ne devient pas seulement plus extrême et plus fréquente, elle s'étend à mesure que les gangs cherchent à étendre leur contrôle : aujourd'hui, ils encerclent la capitale, empêchant les habitants de circuler normalement, s'infiltrent dans des quartiers jusque-là épargnés, comme Kenscoff et Pétion-Ville, où ils tirent sans discernement sur des passants ou sur des habitations et pillent tout ce qu'ils peuvent, commissariats et hôpitaux compris. 

Des groupes d'auto-défense de plus en plus nombreux

Au point que la population commence à se faire justice elle-même : fin avril, au moins douze membres présumés d'un gang ont été massacrés et brûlés en pleine rue par les habitants du quartier de Turgeau à Port-au-Prince. Des habitants qui se sont enfuis ensuite par peur des représailles. Un peu partout, les groupes d'auto-défense se constituent, appelés "brigades de vigilance", après des appels lancés par certaines personnalités politiques et des journalistes pour que les citoyens s'organisent. 

Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme décrit un pays "suspendu au-dessus du précipice". Son secrétaire général, Antonio Guterres réclame à cor et à cri depuis six mois l'envoi d'une force armée internationale. Aucun pays à ce jour ne s'est porté volontaire pour la diriger. 

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