François Hollande : "La grande menace qui pèse sur la démocratie, c'est son désordre, son affaiblissement"
Le journal Le Parisien a publié, il y a peu, un article concernant François Hollande intitulé "François Hollande savoure sa popularité retrouvée". Il est effectivement actuellement au plus haut dans les baromètres d'opinion, ce qui redonne de l'espoir à ses plus proches collaborateurs et ses soutiens réclamant son retour. François Hollande a dirigé et représenté la France du 15 mai 2012 au 14 mai 2017, après avoir exercé la fonction de premier secrétaire du Parti socialiste de 1997 à 2008 pendant la troisième cohabitation, puis dans l'opposition.
Il vient de publier dans la collection Quand ça va - quand ça va pas chez Glénat Jeunesse, l'ouvrage Leur Europe expliquée aux jeunes et aux moins jeunes, illustré par Laure Monloubou.
franceinfo : Est-ce que c'est essentiel de se mettre au niveau des enfants ? Est-ce que c'est facile ?
François Hollande : Non. C'est l'exercice le plus difficile. Il y a la nécessité de parler le plus simplement possible sans tomber dans une forme de vulgarisation qui serait un rétrécissement. C'est être exigeant tout en donnant des formules simples et de ce point de vue, l'illustration vient me sauver. Le rôle de chacun, a fortiori d'un ancien président de la République, c'est de transmettre. On me demande : "Qu'est-ce que c'est un ancien président de la République ?" Je réponds que c'est un transmetteur. Il doit transmettre son expérience, ce qu'il a vécu. Il doit transmettre ce qu'il a compris, ce qu'il a appris en étant président de la République. Et il doit le faire pour les jeunes générations. Je vais vous confier néanmoins un secret : ce livre est fait pour les enfants, pour les adolescents, mais en réalité, il est fait pour les parents.
En étant très honnête, par rapport au conflit entre l'Ukraine et la Russie, avez-vous confiance en cette Europe ? La trouvez-vous solide ou fragile ?
Pour l'instant, elle a tenu. Le calcul de Vladimir Poutine, c'était de penser qu'en envahissant l'Ukraine. Nous n'allions pas réagir, que les Ukrainiens allaient céder devant ce coup de force, que les Américains, parce qu'ils sont loin, ne seraient pas soucieux de mettre une riposte et une résistance en fournissant des armements. Rien ne s'est passé comme Poutine l'avait prévu. Et donc, pour l'instant, l'Europe tient. Mais c'est dans la durée qu'elle va être mise au défi.
"Le pari des régimes autoritaires, c'est de penser que les démocraties sont friables, fragiles, qu'elles sont soucieuses simplement de l'immédiat et qu'elles n'ont pas de conscience de leur force et de leur nécessité de se défendre."
François Hollandeà franceinfo
On pense inévitablement à la colombe et on se demande effectivement si elle continue à voler de ses propres ailes. C'est ça la vraie question.
Pour que la colombe continue de voler, il faut qu'elle ait une cage et il faut qu'elle soit défendue. Sinon à un moment, la colombe est subtilisée.
Vous avez été extrêmement malmené, vous avez subi des attaques, des insultes, on a entendu "Flanby", "le capitaine de pédalo"... Ce regain de popularité, le fait que vous ayez des standing ovations quand vous allez rencontrer des élèves, quand vous vous déplacez, est-ce que ça vous touche ?
Je crois qu'il y a eu une espèce de confusion entre une démarche qui était la mienne d'être le plus simple, le plus humain possible, le plus normal, avais-je dit à l'époque, et la capacité de prendre des décisions. Or, j'ai pris des décisions particulièrement lourdes dans mon mandat. L'intervention en Afrique, en Syrie, en Irak. Empêcher la livraison des bateaux Mistral à la Russie, soutenir l'Ukraine, affronter le terrorisme.
Ce que j'essaye de faire comprendre, c'est qu'un président, ça peut être à la fois simple, proche, humain et capable de prendre des décisions très lourdes pour le pays. Aujourd'hui, quand on revient sur les décisions que j'ai pu prendre sur le plan international, je pense qu'elles sont regardées comme étant ou ayant été les bonnes. Vous imaginez si on avait livré les bateaux Mistral avec les hélicoptères qui étaient dessus à la Russie ? Cela lui aurait sans doute offert la possibilité de conquérir Odessa, notamment, en Ukraine.
Cette popularité n'est-elle pas aussi un encouragement auprès des personnes qui vous soutiennent ? S'il y a une possibilité, est-ce que vous avez envie d'y aller ?
"Comment un ancien président peut-il être utile ? Il doit essayer de faire comprendre que notre démocratie n'est pas aussi forte qu'on l'imagine, qu'elle est menacée et qu'il faut donc se remettre au travail les uns et les autres."
François Hollandeà franceinfo
J'essaye de convaincre que la politique, ce n'est pas simplement des personnalités qui veulent absolument être candidat. Il se trouve que j'ai été président, donc je ne suis pas pris par je ne sais quel démon qui consisterait à dire que je ne peux pas exister, je ne peux pas vivre sans avoir l'espoir d'un retour à l'Élysée, ou d'une accession à l'Élysée.
Ce que j'essaye de faire comprendre, c'est que la politique, c'est d'abord des idées et des partis pour les porter et que rien n'est possible seul. Aujourd'hui, la grande menace qui pèse sur la démocratie, c'est précisément son désordre, cette espèce d'affaiblissement général de toutes les institutions, en particulier le Parlement. L'absence de grandes formations politiques qui structuraient la vie politique française. J'essaie de contribuer à cette remise en ordre, mais pas pour simplement nourrir une ambition. La mienne est accomplie. On doit être soucieux de ce qu'on nous a laissé et dont moi-même j'ai hérité et je ne voudrais pas que la démocratie que j'ai connue ne puisse pas demain être aussi radieuse que je l'ai imaginée.
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