Cet article date de plus de trois ans.

Cédric Herrou : "Apprendre à partager, c’est l’éducation"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, à l’occasion de la journée internationale des migrants, l’invité est l’agriculteur, éleveur de poulets et citoyen de la vallée de la Roya Cédric Herrou qui publie un livre : "Change ton monde" aux éditions des Liens qui Libèrent (LLL).

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Cédric Herrou (7 septembre 2018) (JEAN FRAN?OIS OTTONELLO / MAXPPP)

En cette journée internationale des migrants, Cédric Herrou, agriculteur engagé et dérangeant, symbolise à la perfection cette lutte quotidienne pour venir en aide à celles et ceux qui rêvent d'une vie meilleure, ailleurs que dans leurs pays.

Celui qui se définit comme citoyen de la Vallée de la Roya dans l’arrière-pays niçois, à la frontière franco-italienne publie Change ton monde, le récit de son combat depuis 2016 pour venir en aide aux migrants qui tentent de passer en France depuis l’Italie en traversant la vallée. Cette main tendue lui a valu des gardes à vue à répétition, des condamnations, des relaxes, des diffamations comme d’être un passeur ou un abuseur de migrants mais rien ne l'a arrêté. Une détermination qu’il explique simplement : "Les paysans de la Roya ont la tête dure. On se bat tous les jours contre la grêle, contre la sécheresse. Les paysans sont des têtes brûlées surtout dans la Roya". Il bourlingue longtemps en Afrique avant de trouver son havre de paix et y acquérir un hectare de terre pour poser ses valises loin du monde, comme il le souhaitait.

La Roya c’est ma terre d’exil et je me suis toujours senti étranger à ce monde-là. Et c’est ma mère qui me disait :’ Cédric change ton monde si le monde ne te convient pas’

Cédric Herrou

à franceinfo

"C’est la course aux noirs dans la Roya"

Cédric Herrou cherchait la solitude et le voilà rattraper par ce monde et qu’il bascule dans l’action humanitaire pour une simple et bonne raison comme il le raconte à Elodie Suigo : "Ce qui nous a fait basculer dans la vallée de la Roya, c’est que depuis Paris on nous a demandé de fermer notre gueule. D’être témoin de militaires qui courent après des gosses avec des Famas, de voir la persécution" et il poursuit : "Moi, je me suis toujours considéré un peu anarchiste mais j’avais toujours confiance en l’État, bizarrement. Et de voir l’État qui met en danger des gens… C’est la course aux noirs dans la Roya".  

Cédric Herrou se remémore son premier sauvetage d’une famille soudanaise sans papiers, récupérée en Italie à qui il fait passer la frontière. Il raconte qu’à ce moment, il réalise qu’il va falloir combattre auprès de ces gens-là, les aider parce que quelque part, il se sent complice de leur mauvaise situation. "Cette frontière qu’on avait oublié, on la passe sans trop y faire attention. Nos voisins ne sont pas des étrangers, ce sont des italiens, ce sont nos frères, nos sœurs, ce sont des gens avec qui on boit la même eau, on cultive la même terre".

L’intransigeance du gouvernement et de fait, son inertie, selon lui "alimente des réseaux de passeurs, de mafias, de pédophilie, de prostitutioné." "Et on se sent presque patriote" dit-il en ajoutant ,"j’ai envie de dire : ‘Mais merde, c’est à cause de mon pays qu’à Vintimille c’est le bordel, que des gamins se retrouvent confrontés à cette détresse", tout en dénonçant les conséquences dramatiques de ces renforcement des contrôles aux frontières frontières demandées par le Président de la République, Emmanuel Macron.

C’est cette famille soudanaise qui m’a amené à une lutte politique

Cédric Herrou

à franceinfo

Sa ferme devient donc rapidement un centre d’accueil et il est tout aussi rapidement dépassé par l’ampleur de la tâche : "On est devenu un endroit où les personnes à Vintimille voulaient arriver pour déposer leur demande d’asile". Sa ferme se transforme en 115 et en banque alimentaire : "Ça c’est fait comme ça, ensemble avec des personnes en migration qui ont décidé de s’arrêter chez moi et on avait besoin que l’État reprenne la main sur la gestion du flux migratoire. Parce que ce n’était pas à nous de le faire, parce que ce n’est pas dans des tentes Quechua qu’on héberge des gens, ce n’est pas avec une douche partagée à 50 qu’on peut vivre décemment. On a fait comme on a pu, ça c’est fait sans trop d’encombres".

Cédric Herrou est un altruiste et il a de qui tenir. Aider son prochain, c’est dans son Adn et il raconte ses grands-parents immigrés italiens et une de ses grands-mères allemande, enfermée par les nazis et libérée par les américains. Il a grandi auprès de parents qui sont famille d’accueil pour la protection de l’enfance, de quoi le sensibiliser à la bienveillance : "Forcé à partager ses jouets c’est dur. Apprendre à partager, c’est l’éducation".

Impossible de ne pas évoquer la vallée de la Roya très endommagée par la tempête meurtrière Alex qui a sévi durant quatre jours fin septembre 2020 et il explique que certains villages "se sentent abandonnés parce qu’il n’y a plus d’accès, il n’y a plus d’eau potable. Et ce qui me fait souci c’est qu’il y a quand même des catastrophes qui sont liées au réchauffement climatique et ça ne fait peur à personne. C’est ça qui fait flipper". Alors lorsque l’on revient à la situation des migrants dans la région, c’est comme un cri du cœur : "Tout le monde s’en fout, donc on en est nulle part. Les gens tentent de passer à plusieurs reprises et moi, ce qui m’inquiète c’est que sous prétexte de rétablir le contrôle aux frontières, on créé des clandestins. Au lieu de leur donner accès à la demande d’asile, de savoir qui rentre sur le territoire, on oblige les gens à se cacher et moi ce qui me fait de la peine, c’est de voir ces gamins-là maintenant, c’est un peu no futur".

Dans cet ouvrage Change ton monde, Cédric Herrou tente de montrer qu’avec des choses simples, on peut faire des choses fortes : "Essayer chacun, de faire sa petite part de choses et de vivre heureux avant tout".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.