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Le décryptage éco. Formation professionnelle : un scandale français

La  Cour des comptes a présenté son rapport annuel mercredi. Un rapport qui met à mal la formation professionnelle.

Article rédigé par franceinfo, Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Conférence de presse sur la présentation de son rapport annuel de la Cour des comptes à Paris, le 8 février 2017. (FRANCOIS GUILLOT / AFP)

La Cour des comptes vient de passer au crible notre système de formation professionnelle, mercredi 8 février. De toute évidence il y a des choses à revoir. Et il y a de quoi être très en colère. Nous vivons, on le sait, une grande transformation du travail, une période intense de mutations des savoir-faire, des compétences et de l’organisation du travail.

Nous en sommes qu’au tout début, mais nous savons déjà que les jeunes qui rentrent aujourd’hui sur le marché du travail connaîtront plusieurs vies professionnelles, changeront de jobs, d’entreprises, de statuts, beaucoup plus souvent que leurs aînés. C’est dire si la question de la formation, initiale mais aussi tout au long de la vie professionnelle est absolument cruciale, déterminante, pour accompagner chacun dans ces mutations. Qui plus est, dans un pays qui comme la France subit déjà un chômage de masse depuis au moins quatre décennies.

S’il y avait un seul exemple de notre difficulté, de notre incapacité collective même, à s’adapter aux exigences de ce monde nouveau du travail, le cas de la formation professionnelle en est absolument emblématique. Les magistrats de la Cour des comptes viennent d’en dresser un réquisitoire accablant.

Une machine opaque 

Voilà donc un domaine, la formation professionnelle, pour lequel la France dépense chaque année entre 30 et 35 milliards d’euros, c’est absolument colossal. Et la Cour des comptes ne s’est intéressé qu’un à seul segment, qui pèse 12 milliards : la formation professionnelle continue des salariés, gérée principalement par des organismes paritaires, c’est à dire les représentants des syndicats de salariés et de patrons.

Cette énorme machine opaque, cette grosse boîte noire où l’argent coule à flots est le royaume de la fraude, si l’on en croit les magistrats. On a l’impression qu’eux même n’en reviennent pas au fur et à mesure de leurs découvertes : c’est d’abord un maquis dans lequel s’entremêlent plus de 77 000 opérateurs assurant des actions de formations, payées par les entreprises, mais aussi en partie par les régions et par l’Etat.

Des fraudes avérées

Ce système est comme abandonné dans une espèce d’autogestion et une absence totale de contrôle, nous dit la Cour. Ce qui permet tous les abus : organismes bidons, listes mensongères d’émargement lors des stages de formation, majorations artificielles de nombre d’heures durant lesquelles les salariés sont encadrés, surfacturation des actions de formation et, excusez du peu, escroqueries de grande ampleur, dont l’une d’elles, rappelle la Cour pour donner un exemple, fut quand même démasquée en 2013. Elle mêle une soixantaine d’organismes soupçonnées d’usage de faux et de blanchiment de fraude fiscale, pour un préjudice de plusieurs dizaines de millions d’euros.

Des réformes inefficaces

Le système de la formation professionnelle a déjà été réformé, et c'est bien le drame. Il y a même eu quatre grandes réformes de la formation professionnelle en dix ans, ce qui dit toute l'absurdité de cette affaire. La dernière, en 2014, imposait en principe aux prestataires de se soumettre à une évaluation sur la qualité de leurs interventions. Ce fut sans effet ou presque, regrette la Cour, car il y a moins de 10 sanctions par an !

Si l’Etat a un tout petit peu envie d’y voir clair, il doit impérativement élaborer une réelle "stratégie de contrôle", réorganiser ses services, surveiller les organismes paritaires chargés de la collectes des fonds, auxquels la Cour fait la leçon. Et les magistrats demandent aussi à l’Etat de permettre aux fonctionnaires régionaux de faire la police et donc d’infliger des sanctions.

On peut donc remercier la Cour des comptes, espérer qu’elle soit un jour entendue, et regretter une fois de plus que dans notre beau pays, il y ait si peu de culture du contrôle de l’argent public. Ultime exemple, trouvé dans le rapport : pour contrôler ces 35 milliards de la formation professionnelle, l’Etat ne dispose que de 155 agents de contrôle. Tout est dit.


Formation professionnelle : un scandale français par franceinfo

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