L'annulation de la privatisation du port du Pirée fait du bruit en Grèce
Les marchés financiers n’auront pas perdu de temps pour signifier à Alexis Tsipras tout le mal qu’il pense de son programme, et la seule journée d’hier dit tout du chemin très périlleux choisi par les électeurs grecs. La bourse d’Athènes a dévissé, et perdu plus de 13 points, tandis que les grandes banques nationales ont perdu un quart de leur valeur en quelques heures seulement, c’est considérable. Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est notamment l’annonce hier, juste avant le conseil des ministres, du blocage de la privatisation du port du Pirée, le plus grand des ports grecs, tout près d’Athènes, c’est là dont partent en général les millions de touristes qui chaque année vont prendre le soleil dans les fameuses îles grecques, c’est là aussi, bien sûr, que s’est développée toute une part de l’industrie du pays.
Le port du Pirée faisait partie d’un vaste programme de privatisations
Oui, quand la Grèce était au bord de la cessation de paiement et a eu recours, en toute urgence, à une aide européenne et internationale importante, et bien ses créanciers ont exigé que dans le cadre d’un plan de sauvetage, soit lancé un grand programme de privatisations d’entreprises et de patrimoines appartenant à l’Etat grec. En 2010, ce programme était sensé rapporter 50 milliards d’euros en dix ans : Et quel programme ! Les Grecs ont eu la fâcheuse impression que tout leur pays était à vendre à l’encan : les compagnies de transports, d’électricité, de gaz, de pétrole, les services de l’eau, les aéroports, les autoroutes, les entreprises ferroviaires nationales, la poste, la loterie et les paris sportifs, des châteaux et des joyaux historiques, et même des plages sublimes à Corfou ou dans d’autres îles paradisiaques. Un tel programme a bien évidemment suscité un tollé, des grèves, de sérieux soupçons de corruption, des recours multiples, dans un pays où il n’y a pas vraiment de cadastres et où règne l’insécurité juridique. Résultat : si une partie de ces privatisations a quand même été réalisée, beaucoup d’autres se sont enlisées, et les recettes espérées ont fondu, des 50 milliards prévus, l’Etat table aujourd’hui sur une dizaine de milliards seulement d’ici 2016.
Dans le cas des ports, un argument de souveraineté nationale a été aussi avancé par le gouvernement grec
Un port n’est pas un bien comme un autre. Si en Grande Bretagne, personne de n’est jamais vraiment ému de la privatisation de grands ensembles portuaires, aux Etats-Unis il en fut tout autrement : le congrès américain avait bloqué en 2006, au nom des impératifs de la souveraineté nationale, le rachat de six ports de côté Est par une grande entreprise de Dubaï. Le refus grec de céder le port du Pirée est brandi comme une prise de guerre, il flatte un orgueil national sévèrement malmené en six ans de crise aigüe. Ce bras d’honneur très politique ouvre aussi un premier front avec les créanciers de la Grèce que sont l’Union européenne, la banque centrale européenne et le FMI. On l’a compris, la stratégie d’Alexis Tsipras est celle de la tension. Elle ne manque pas de panache, mais elle est à très hauts risques
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