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Guerre en Ukraine : comment l'Italie et la Pologne espèrent se passer du gaz russe ?

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction l'Italie et la Pologne pour savoir comment ces pays envisagent de se passer du gaz russe.

Article rédigé par franceinfo - Bruce de Galzain et Damien Simonart
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6 min
La raffinerie de la multinationale italienne ENI, le 9 mars 2022 à Taranto. Photo d'illustration. (FILIPPO MONTEFORTE / AFP)

L'Union européenne va-t-elle réussir à se passer du gaz russe ? Avec la guerre en Ukraine, les pays européens remettent en cause leur dépendance aux hydrocarbures venus de Moscou. Direction l'Italie et la Pologne.

L'Italie recherche des partenariats avec d'autres pays 

Deux ministres italiens sont au Congo Brazzaville jeudi 21 avril et ils étaient mercredi en Angola. Cette tournée africaine n'a qu'un objectif : acheter du gaz. Car l'Italie est très claire, elle veut remplacer son gaz russe (40% de ce qu'elle consomme) par du gaz d'autres fournisseurs. Le gouvernement a signé de nouveaux partenariats avec l'Algérie et la Libye notamment. Elle veut doubler ses importations avec l'Azerbaïdjan. Il y a aussi le Qatar, l'Égypte et donc le Congo, l'Angola et bientôt le Mozambique. Il faut savoir que la compagnie italienne d'hydrocarbure Eni est très puissante en Afrique.

Les États-Unis également vont vendre davantage de gaz liquéfié à l'Italie. Un gaz qui doit être "regazéifié" grâce à des unités flottantes. L'Italie n'en possède que trois et n'a pas investi jusque-là. Autre critique, si l'Italie diversifie bel et bien ses approvisionnements en gaz, elle le fait avec des pays encore liés à la Russie comme l'Azerbaïdjan ou même l'Algérie qui est un partenaire énergétique clef de Moscou. Les ONG mais aussi certains politiques s'interrogent aussi sur les partenariats avec des pays pas vraiment démocratiques.

Une autre interrogation concerne les ambitions écologiques transalpines. Même si le ministre de la Transition écologique fait partie de la délégation à Brazzaville et Luanda cette semaine pour aller acheter du gaz naturel liquéfié au Qatar ou aux États-Unis, il faut savoir que le GNL a un impact environnemental pire que le gaz russe, en tous cas celui qui arrive par gazoduc. Il représente deux fois plus d'émissions de CO2. Le côté positif c'est que l'Italie a progressé assez vite dans son mix énergétique avec 20% d'énergies renouvelables et le gouvernement assure maintenir ses objectifs européens et vient d'accélérer les autorisations de chantiers pour des parcs éoliens. Enfin pour l'instant les sept centrales à charbon du pays doivent toutes fermer ou être reconverties d'ici 2025.

L'Italie s'attaque aussi à l'économie d'énergie. De manière très concrète avec l'opération thermostat obligatoire dans les lieux publics recommandée à la maison. Il s'agit de ne pas mettre les climatisations à moins de 27° C l'été avec une tolérance à 25° et de chauffer à 19° l'hiver avec une tolérance à 21°. Il y aurait un réel impact sur l'environnement si tout le monde joue le jeu !

En Pologne, la sécurité énergétique prime sur le climat

De nombreux différents opposent le gouvernement conservateur polonais à l’Union européenne au sujet de la politique climatique. Le représentant permanent de la Pologne auprès de l’UE Andrzej Sados a résumé la position du pays en une phrase : "Il faut assurer la sécurité énergétique avant de commencer à parler d’une politique climatique efficace." Varsovie multiplie ces dernières semaines les appels pour mettre un embargo sur tous les hydrocarbures russes et met la pression sur les dirigeants européens pour mettre fin aux négociations sur la politique climatique. L’eurodéputée Beata Szydlo appelle même à la démission de Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, chargé du Green deal. Pour l’ancienne Première ministre polonaise, la politique de Timmermans est dangereuse pour l’économie européenne. Selon elle, la Pologne doit continuer à baser sa politique énergétique sur ses propres ressources à savoir le charbon. La politique climatique de la Pologne devrait donc être d’investir dans les technologies pour extraire ce charbon le plus écologiquement possible.

Après un long bras de fer avec l'UE, la Pologne a fini par annoncer sa sortie du charbon d’ici à 2050 mais la guerre en Ukraine pourrait changer la situation. Les déclarations à ce sujet varient en Pologne et prouvent que le gouvernement est en pleine réflexion. Le ministre des Actifs de l'État, Jacek Sasin, a récemment dit qu’il voudrait que l’énergie basée sur le charbon puisse fonctionner bien au-delà de la date butoir pour la fermeture de la dernière mine. Son porte-parole a ensuite corrigé en expliquant qu'il s’agissait d’exploiter plus de charbon que prévu mais seulement jusqu’en 2049. Les syndicats des mineurs affirment ne pas avoir encore été consultés sur le sujet. Reste la réalité économique : le charbon est un secteur à perte depuis des années en Pologne. Varsovie semble toutefois prête à payer le prix pour garder son indépendance vis à vis de la Russie et rappelle à qui veut l’entendre qu’elle a toujours été fermement opposée au gazoduc Nord StreamII reliant la Russie à l’Allemagne. Un investissement de près de 10 milliards d’euros qui ne verra peut-être jamais le jour à cause de l’invasion russe en Ukraine.

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