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Témoignage
"Je ne passerai jamais à l'acte, j'en suis persuadé" : condamné pour consultation d’images pédopornographiques, un homme témoigne

Deux semaines après l’arrestation de 48 personnes pour consultation d’images pédopornographiques, certaines d’entre elles ont été placées sous obligation de soins. franceinfo a pu suivre en consultation un homme en proie à des penchants pédophiles depuis plusieurs années.

Article rédigé par franceinfo, Jérôme Jadot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Pour contourner l'éventualité d'un moment criminogène, il s'agit lors des thérapies envisagées d'identifier les moments de bascule. (THIERRY BOUGOT / MAXPPP)

Deux semaines après l’arrestation de 48 personnes pour consultation d’images pédo-pornographiques, la justice a placé certaines d’entre elles sous "obligation de soins". Soit dans le cadre d’un contrôle judiciaire, c’est à dire dans l’attente de leur procès, soit lors d’une condamnation, souvent en comparution immédiate. Il ne fait pas partie de cette actualité-là, mais un homme, condamné pour consultation d’images pédopornographiques a accepté de livrer son témoignage à franceinfo, qui a pu assister à un rendez-vous avec son psychiatre, le Dr Lacambre.

>> Dans la tête d'un pédophile

L’entretien se déroule dans un petit bureau du CHU de Montpellier. Face au Dr Lacambre, celui que nous appellerons Philippe*, retraité du commerce, marié, père de deux grandes filles, a été condamné il y a 8 ans à 6 mois de prison avec sursis et obligation de soins. Des soins qu’il poursuit aujourd’hui de son plein gré. Les derniers mois ont été difficiles : "On devait essayer de répartir la proportion entre les fantasmes pédophiles qui concernent des enfants et les fantasmes qui concernent des adultes : 80% enfants et 20% adultes, explique-t-il. Et j'ai eu des problèmes de nouveau. Ce n'était pas avec des consultations d'images, mais plutôt des chats où je pouvais discuter avec des gens qui ont le même profil que moi."

"C'est comme une drogue"

"C'est, là, sur l'ordinateur que ça se passe, poursuit Philippe. Et je traîne le soir et ça me coupe le sommeil rempli de pensées : c'est une aliénation, comme une drogue." Une attirance sexuelle pour les enfants avec laquelle Philippe a quasiment toujours vécu. Il a été agressé sexuellement par un prêtre lorsqu'il avait 15 ans, mais ne fait pas forcément de lien et évoque un déclic quelques années plus tard. "Il y a vingt ans, des amis m'ont mis entre les mains un livre qui évoquait des relations entre adultes et enfants, souligne-t-il. Et cette lecture m'a vraiment marqué. Au fer rouge, quoi."

Le Dr Mathieu Lacambre, psychiatre hospitalier au CHU de Montpellier. (JEROME VAL / RADIO FRANCE)

Philippe s’adonne ensuite à des échanges de fantasmes pédophiles au téléphone avec d’autres adultes, puis ensuite sur minitel, puis sur Internet, qui a démultiplié, explique-t-il, les tentations.

"Est-ce que je passerai à l'acte ? Non, ça j'en suis persuadé. Je suis sûr de moi là-dessus. Mais plutôt essayer de voir des images ou des vidéos..."

Philippe

à franceinfo

"Il suffit que je voie une image sur une série télé ou un film sur une histoire avec un adulte et une jeune personne habillée légèrement, analyse Philippe. Mais je reporte ce cheminement sur Internet, ou sur les chats. Comme un tremplin."

Aucune certitude sur l'efficacité de ces thérapies

Philippe voit régulièrement une psychologue avec laquelle il fait notamment un travail sur son passé, l'origine de ses penchants. Il consulte donc le Dr Lacambre, qui analyse au plus près ses fantasmes et désirs. Un des enjeux de la consultation va alors être de trouver des dérivatifs, de réorienter ces désirs pédophiles vers une sexualité légale. "Il va falloir que vous trouviez des petites ressources, soit sur les supports visuels Internet qui concernent exclusivement la sexualité adulte entre adultes consentants, soit des supports littéraires érotiques, lui répond le thérapeute. Comme Cinquante nuances de Grey, etc. Ca peut participer en terme d'ouverture sur une sexualité adulte."

A la demande de Philippe, le Dr Lacambre lui prescrit également un inhibiteur de libido, médicament qui doit atténuer son appétit sexuel. Ces traitements et thérapies sont-ils efficaces ? Philippe assure, en tout cas, que cela lui apporte beaucoup : c’est, selon lui, le seul espace où il peut parler de son attirance pédophile. Pour certains psychiatres, on peut même "guérir" la pédophilie. D'autres préfèrent évoquer des traitements généralement au long cours, plusieurs années, de long terme, avec parfois des retours de patients en consultation lors de rechutes. En fait, il est difficile de dire précisément quel est l’effet de ces soins sur la récidive des délinquants ou criminels sexuels. Les chercheurs regrettent de ne pas avoir accès aux données judiciaires nécessaires à cette évaluation.

*Prénom modifié

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