Soulagement, espoir ou au contraire désillusion... Que deviennent les migrants qui ont réussi à débarquer en Angleterre
Alors que les migrants sont de plus en plus nombreux à traverser la Manche en bateau, le choix de franceinfo s’intéresse au destin de ces éxilés, une fois arrivés en Angleterre.
Depuis le début de l'année, 22 000 traversées clandestines de la Manche ont été recensées. Pour suivre la trace de ces rescapés, direction le sud de l'Angleterre où les migrants débarquent, après un voyage très éprouvant. C'est là souvent, sur l’une des plages de galet du Kent, que ces jeunes hommes et jeunes femmes posent leur premier pied sur le sol anglais. Pour la plupart, c’est la fin d’un périple à travers toute l'Europe.
Un gouvernement qui "aide pour tout"
Un voyage éprouvant qui se termine par une traversée en mer périlleuse, le plus souvent dans un bateau pneumatique ou même dans une simple barque. Parmi ces exilés, nous rencontrons un jeune Kurde d'Iranil, arrivé en Angleterre il y a quatre mois. Il préfère rester anonyme mais accepte de raconter son histoire : "C'était sur un petit bateau avec 50 personnes. Tu tombes malade, c'est très dangereux. Les vagues te repoussent, vont dans tes yeux, dans ta bouche. C'est très salé, tu attrapes toutes sortes d'infections sur ta peau." Il loge avec 200 autres jeunes migrants dans un centre d'accueil temporaire. Ils sont comme camouflés par une bâche opaque à 15 kilomètres du port de Douvres, à l'écart de la ville, près d'une forêt où tous attendent de déposer leur demande d'asile.
Que se passe-t-il ensuite ? Que deviennent ces survivants de la traversée de la Manche ? Pendant plusieurs mois, il y a le temps de digérer l'exil. Certains sont même essoufflés quand ils nous racontent leur périple en bateau. C'était il y a un an et demi pour Nadia, une Bédouine, privée de droits dans son pays, le Koweit. Depuis son arrivée en Angleterre, elle vit dans un petit appartement, un logement social, à la périphérie de Londres. "Pendant des heures on pensait que notre vie était finie. Merci Dieu, confie-t-elle. On est arrivés, on fait toutes les démarches pour une nouvelle vie, un nouvel horizon, pour les enfants, les soins, l'éducation... Et merci Dieu... Le gouvernement nous aide pour tout. "
Le souhait d'une vie normale
En attendant de statuer sur leur demande d'asile, le gouvernement leur verse 37 livres par semaine, une quarantaine d'euros qui leur permet de remplir le frigo. Dans un autre quartier populaire de Londres, Danielle patiente aussi pour sa demande d'asile. Cette Kurde d'Irak a fui son pays mais surtout sa famille après un rapport sexuel hors mariage. Enceinte, elle a traversé l'Europe puis passé deux mois dans la jungle de Grande-Synthe, en France donc, avant de tenter sept fois la traversée. Elle profite maintenant de chaque moment avec son bébé qui est né ici, en Angleterre. "Je me sens vraiment très heureuse, j'aime cette vie, la vie européenne, je sors faire des achats, au parc, pleins de choses avec mon enfant et mon compagnon c'est une vie normale, sans stress"
Comme Daniel, beaucoup de migrants souhaitent vivre normalement, en paix. Ils veulent travailler aussi. Mais pour exercer une activité professionnelle, il faut attendre d'obtenir le droit d'asile. D'autant que depuis le Brexit, la Grande Bretagne manque de bras dans pas mal de secteurs. La restauration, le bâtiment...Bridget Chapman travaille dans une association du Kent qui recueille les enfants migrants : "Peut-être qu'ils viennent d'un pays qui est une ancienne colonie britannique. On leur a dit toute leur vie que le Royaume-Uni était le centre de l'univers, la mère patrie, là où il faut aller pour être en sécurité. À cause de la colonisation, beaucoup de gens parlent anglais, ils n'ont pas à apprendre une autre langue. D'autres rejoignent leur famille ici... Il y a pleins de raisons."
Des rêves parfois nourris par de faux espoirs
On entend beaucoup de soulagement, le bonheur d'être arrivé mais ce n'est pas le cas de tous les demandeurs d'asile. Il y a souvent un décalage entre les attentes et la réalité. Il y a un certain mal-être après l'euphorie de l'arrivée d'après Soumaya, bénévole de l'association Salam. Elle a épaulé les migrants avant leur départ de Calais et garde contact avec certains d'entre eux sur Whatsapp ou Messenger : "Ceux qui sont là-bas [en Angleterre] leur disent des choses par fierté et par arrogance, pour certains, qui ne sont pas réellement vraies, reprend cette bénévole. Forcément, quand on nourrit des mensonges et des espoirs et que nous-mêmes on est dans une situation catastrophique on y croit et on s'accroche uniquement à ce rêve. On se dit 'si lui il y est arrivé et qu'il vient du même village que moi, du même pays que moi pourquoi pas moi et ma famille ?'"
Peu osent en parler au micro puisqu'ils espèrent obtenir l'asile. Mais les services de l'immigration mettent beaucoup de temps à étudier les dossiers. Plus d'un an parfois, deux fois plus qu'en France. Or le Royaume-Uni compte encore durcir sa politique migratoire, quitte à briser les rêves des nombreux prétendants à une nouvelle vie sur le sol britannique.
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